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Le printemps des poètes selon Jean Jacques Rousseau. Le printemps des poètes selon Jean Jacques Rousseau.

mercredi 29 avril 2015 par Elisabeth

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Jacqueline

Voyage au cœur de l’Ardèche

La sœur de Michel, Mireille, avait fini de cuisiner les champignons hallucinogènes que son mari anglais, Andrew avait ramassés. Nous étions en Ardèche à Mounens. C’était l’été. Et moi, toujours avide d’expériences nouvelles, je m’étais portée volontaire !
Je me souviens, comme si c’était hier, de cet après-midi-là. Il faisait chaud et j’avais envie de descendre au moulin près du ruisseau. Les champignons avaient déjà commencé leur effet mais contrairement à ce que je pensais je ne me sentais pas du tout euphorique et lorsque j’arrivais au moulin qui se trouvait au fond du vallon, j’étais même très angoissée. L’eau de la rivière qui m’apaisait d’ordinaire me sembla dangereuse. Je ne voulus pas m’en approcher. Mireille qui m’accompagnait comprit que mon « trip » tournait mal et m’invita à remonter doucement vers la châtaigneraie. Je garde la sensation physique de cette remontée, comme si je soulevais le couvercle qui m’oppressait et respirais à nouveau.
C’est alors que je m’approchais d’un gros châtaignier et l’entourais avec mes bras, comme on entoure un être aimé. Je ne parvenais pas à en faire le tour mais je sentais son écorce rugueuse contre mon corps et peu à peu j’eus la sensation extraordinaire de ne plus faire qu’un avec lui. Mes racines plongeaient loin dans le sol et j’étais reliée au ciel par mes branches. Je fermais les yeux et les bruits environnants m’emplissaient entièrement : les chants des oiseaux, la brise légère dans le feuillage des arbres, l’eau de la rivière, tout résonnait en moi. Je me sentais parfaitement à ma place et mon cœur débordait d’amour. J’aimais cet arbre qui me transmettait sa force et sa stabilité. J’aimais ce coin d’Ardèche qui m’avait adoptée.

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Ce fut un moment indicible de bonheur pur où je me sentais simplement exister. Personne n’a mieux décrit cet état que Rousseau dans sa Cinquième Promenade :
De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu. Le sentiment de l’existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix, qui suffirait seul pour rendre cette existence chère et douce à qui saurait écarter de soi toutes les impressions sensuelles et terrestres qui viennent sans cesse nous en distraire et en troubler ici-bas la douceur. (Les Rêveries du promeneur solitaire)

Sabine

J’ai froid, je grelotte, je suis transie. Une de mes bottes prend l’eau, j’ai oublié mon écharpe de laine, j’ai la goutte au nez.
Quelle idée d’aller patauger dans les flaques d’eau à moitié gelées. Pourtant je l’aime ce Parc de la Tête d’Or !
Comme aspirée, à hauteur des serres, je m’engouffre dans ces grosses bulles de verre.
A peine, ai-je fermé les yeux, que me voici plongée dans la forêt tropicale de Guyane. Un singe hurleur annonce mon intrusion dans son domaine, domaine de la flore et la faune. Une délicieuse chaleur moite me caresse, m’enveloppe, me transporte. Odeur sucrée. Le thermomètre affiche 34°. Une abondante rosée fait ruisseler toute la végétation. De grosses gouttes tombent avec un bruit délicat ; Je me sens rafraichie. Des lianes entourent amoureusement les arbres, des ébènes vertes, solatas, et autres. Je marche délicatement, essayant de me frayer un chemin parmi les orchidées, les hibiscus, les nymphéas bleues. Toutes ces fleurs m’invitent à continuer ma route. Difficile de retenir en mémoire l’intensité de toutes ces couleurs. De grosses racines entrelacées se recourbent nonchalamment en harmonieux arceaux. Arbustes fleuris de sous-bois où papillons bleus appelés morpho voltigent avec grâce. Lianes et herbes croissent en un fouillis inextricable.
Je me sens si bien ! Mes pieds prennent racine dans cette terre un peu molle. Au bout de mes doigts poussent des fougères, une couronne de fleurs embaumantes se tresse autour de mes cheveux, un oiseau multicolore se pose sur mon épaule. Je fais corps avec cette forêt si dense ! Sans doute, ai-je eu un grand père indien. L’hiver, le froid n’existent plus. Je m’abandonne à cette nature tropicale qui fait désormais partie de moi.

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Les grandes serres de la Tête d’Or

Myriam

LES PALOURDES DU BONHEUR
Un moment de bonheur dans la nature ne Va pas chez moi, sans une certaine exténuation du corps. Il faut que mon corps soit quelque peu anéanti par une longue marche, une longue baignade, il devient alors étrangement la seule présence dans la fatigue heureuse et le mental se tait enfin.
Ce jour-là, ce fut une longue pêche. Nous étions allés, Jean et moi, chez une amie qui possède une maison sur l’île de Ré, la date de cette visite était calculée en fonction d’une forte marée, pour aller à la pêche aux coquillages. Je connais assez peu le milieu marin, je suis une fille de l’intérieur des terres. Les rivages océaniques, je ne les ai connus que brièvement lors de rares séjours de vacances en Ille et Vilaine. Ce matin-là au bord de l’immense grève découverte largement par la marée, je fus saisie par la même odeur d’iode et d’algues. On se déchausse en frissonnant au contact du sable froid. L’horizon est immense et les pâles couleurs du ciel breton s’unissent aux reflets gris de la mer. Bientôt le sable fait place à la vase et les orteils se rétractent au contact de cette boue grisâtre et légèrement nauséabonde, qui semble retenir le pied avec une succion perfide. Bientôt elle monte plus haut que la cheville et fait penser aux sables mouvants ? aux possibles animaux rampants et piquants qui habitent sans aucun doute cette matière visqueuse. Mais le danger n’est qu’imaginaire et c’est justement dans cette boue originelle que prospèrent les palourdes, petits coquillages oblongs qui crus, ou poêlés, sont un délice pour les palais gastronomes. D’ailleurs, nous ne sommes pas seuls et d’autres ramasseurs sont déjà à l’œuvre : Vieux îliens solitaires avec leurs grands paniers de fil de fer, familles des résidences secondaires.

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Quatre costauds en bottes et cuissardes reviennent de la limite extrême de la marée, avec des paniers lourdement chargés de palourdes énormes . Attirée par cette pêche miraculeuse, je m’avance toujours plus loin, les jambes enfoncées, jusqu’aux mollets, guettant les deux petits trous qui révèlent la présence de ces précieux mollusques. Avec mon outil, je retourne la vase, je la filtre entre mes doigts comme un chercheur d’or pour trouver des pépites, Je ne sens plus le froid, j’ai oublié l’heure, j’ai retrouvé l’ancestrale ardeur des humains, chasseurs-cueilleurs.
Plusieurs appels ont retenti sans parvenir à mon oreille. Enfin, je reviens au temps présent, je vois la grève qui se rétrécit et la mer qui monte lentement mais sûrement. Il faut rentrer. J’emplis mes poumons de l’air du large et j’extrais avec peine mes pieds de la vase. Arrivée sur le rivage, je m’allonge sur l’herbe, sous un pin tourmenté par le vent.
Je suis alors envahie par le sentiment d’unité avec la nature. Je suis l’herbe, je suis l’arbre, je suis le vent marin. Corps exténué, disparition de l’ego, silence du mental, JOIE PURE.

marylène
Elle était arrivée au bout du voyage.
Derrière elle, le cri strident des sirènes de chantier, derrière elle, les odeurs nauséabondes des sous-sols crasseux. Volatilisées les vapeurs lourdes, la circulation urbaine, gaz de fioul et d’égouts, visions catastrophe de détritus humains : tas informes, cartons, chiffons, restes de nourritures avariées à l’orée des bouches de métro, tous ensembles digérés.
Franchies les barrières de la ville, elle avait dormi. Dans le balancement régulier du train, banquette moelleuse, chaleur réconfortante du soleil traversant la fenêtre, une sensation de fuite infinie, mélange de confort et de sérénité retrouvés, toute la crasse urbaine l’avait quittée.
Lumières changeantes, flou, paysages incertains, inaccessibles, un autre monde s’offrait à elle jusqu’ à l’horizon qui s’éloignait à vive allure, des prés ondulants, verveine et jaune vif, des collines lointaines et pâlottes, des haies drues, brunes et sinueuses comme des cordes anciennes trop raides et, ce qui l’avait rassurée, un ciel baroque, printanier, traversé de nuages légers, qui à tout moment auraient pu se métamorphoser en angelots bouclés, joufflus, fessus, roses et tendres.
Mondes parallèles ! L’en haut et l’en bas, le proche et le lointain, tout s’imbriquait, se chevauchait parfois, disparaissait et réapparaissait, visions qui s’imposaient ou se désintégraient au rythme de son état de somnolence et de veille alternées. Puis ce monde là avait lui aussi disparu.

Fin du voyage, elle avait ouvert les volets.
Calme, apaisée, elle se retrouvait chez elle.
Disparue, la guerre des villes.
Devant elle, un écran blanc lumineux.
Temps suspendu entre ciel et terre.
Clarté lumineuse, neige et soleil.
Reflets changeants,
éblouissement des yeux,
parfums d’humus et de fumée de bois.
Silence.
L’air vif, transparent, était à peine réchauffé par le soleil naissant.
Les arbres chevelus retenaient encore le blanc étincelant de la dernière neige :
« Il fait froid, n’ouvre pas ! ».
On était encore en hiver et, toutes les nuits, le gel luttait contre la fonte inexorable du matelas poudreux sur les prés. A la limite de la forêt, quelques traces, en lignes profondes et bleutées zigzagants dans la pente immaculée, lui racontaient son absence, les chiens, les biches si près de la maison et plus près encore, les chats, leurs jeux, leur fuite dans le silence étouffant du tapis neigeux.
Quelque skieur malicieux avait laissé un sillon ondulant jusque dans son jardin, signature irréprochable de l’expert en arabesques voluptueuses.
Elle ne pouvait que s’exclamer : Beau travail ! Un artiste en spatules est passé par là !
Elle s’était sentie accueillie, soleil et neige, luminosité splendide, le chaud et le froid, le blanc et le noir tranchant des arbres en dentelles. Seules les ombres bleues coloraient alors son jardin. Elle s’imaginait les perce-neige et les muscaris qui dormaient sans bruit dans la douce profondeur du sol et les bourgeons tendres et gras des pivoines et des rhubarbes qui attendaient que la puissance du soleil s’impose enfin pour pointer leurs tiges rouges vers le ciel. Elle croyait même entendre, les musaraignes creuser leurs galeries, entre neige et terre, à l’abris du chat, yeux mi clos, alangui sur le bord de la fenêtre.
Comme lui, il suffisait de fermer les yeux ! Et d’ouvrir les narines et tous les pores de la peau, de tendre les joues, le cou, les paumes, d’écarter les doigts pour laisser rentrer l’air infiniment limpide partout en elle par les subtils canaux de tout son être.
Elle pensait à la vie souterraine où se préparait l’explosion imminente du printemps. Mais elle n’était pas pressée de voir la végétation reprendre ses droits. Cet entre-deux éphémère pendant lequel la neige et la terre luttaient pour occuper la place, lui allait bien, nul besoin de se presser, chaque plante retrouverait à son heure la place qui lui convenait. Insectes, limaçons et rongeurs reprendraient leur va et vient incessant sous le regard attentif d’un chat prédateur qui choisirait de faire le mort ou de sortir les griffes en temps voulu.
Ici dans les interstices des pierres, des écorces, des racines, et des tas de bois, la vie presqu’invisible reprenait le dessus bien avant les travaux des jardins et des champs. Quand il serait temps de planter, de semer et de se courber sur le sol noir, un vert vif, ici ou là, pointerait victorieusement ses jeunes feuilles sans prévenir ni tarder. La course à la vie recommencerait quand la terre serait pleinement réchauffée, les journées s’allongeraient et la flânerie n’aurait plus cours. Il faudrait alors changer de rythme et ne pas faiblir.
La mécanique céleste, révélerait encore son pouvoir agissant sur ce minuscule lopin de terre et lui dirait combien le monde est grand, exubérante la vie, folle l’envie de s’en soustraire !

Elisabeth
Ma grand-mère avait un joli jardin. Pas très grand mais très fleuri. Son père était jardinier.
Quand j’étais petite fille, j’avais baptisé les allées selon les fleurs qui y poussaient : rue des roses, rue des glaïeuls, rue des camélias...Plus tard, adulte, lorsque je me rendis au bois des Moutiers à Varengeville, un parc magnifique qui descend vers la Manche, je découvris que les allées portaient également des noms de fleurs. Bien sûr ! Ils étaient plus exotiques : Allée des Rhododendrons de l’Himalaya, Vallée des Iris, Clairière des crypromériés, Vallée des magnolias, nous avions en commun les camélias. J’étais fière d’avoir eu enfant la même idée qu’un célèbre paysagiste.
L’air marin, propice à la luxuriance de cette végétation, mêle ses senteurs d’embruns à celles des arbres et des fleurs venus de tous les coins du monde.
C’était peut-être comme cela l’Eden ; un jardin magnifique où la flore était gigantesque et parfumée. Adam et Eve enivrés se sont perdus.

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Le bois des Moustiers. Varengeville/mer

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