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Le thé des écrivains. Chapitre I. Elise. Le thé des écrivains. Chapitre I. Elise.

mardi 1er décembre 2015 par Elisabeth

Il y a 2 messages en réponse à cet article.

Il y a dix ans, j’avais décidé d’écrire un roman. Je l’ai commencé, je l’ai modifié, re-modifié ,laissé dans un coin, repris...Aujourd’hui j’ai décidé de le mettre ligne sous forme de feuilleton, en espérant qu’il tiendra le lecteur en haleine. Ainsi, je vais être obligée de le terminer.
Ce n’est pas une autobiographie, je prête parfois mes pensées et sentiments à mon héroïne.
En réfléchissant, j’en déduis qu’il n’y a qu’une intrigue : Élise réussira t-elle à écrire son roman ?
Peu de personnages :Élise et sa famille.
Un lieu : la maison d’ Élise.
Des trajets dans le temps.
En conclusion, ce n’est pas un roman mais une Nouvelle longue.
Bonne lecture !

Le thé des écrivains
Elise se leva tôt.
De sa terrasse, elle aimait regarder le soleil se lever sur la mer. Elle n’avait jamais retrouvé l’émotion de l’aube de Brindisi. Elle s’était habituée à la lumière vive de la Provence mais elle regrettait souvent les brumes sur la mer les matins où les jaunes sont étouffés par les gris, les petits sentiers sur la falaise qui surplombe la Manche mugissante.
Elle pensait à ces petits déjeuners qui s’éternisaient. Des éclats de rire, des projets et des rêves qui n’avaient jamais abouti.
Maintenant, elle avait soixante ans.
Ce matin-là, elle se trouvait face à la mer et peut-être face à son destin.
Elle savait qu’elle voulait laisser une trace, raconter. Que voulait elle donner à lire ?
Elle prit conscience qu’elle refusait d’entrer dans son intimité. Ses joies, ses peines, n’intéressaient qu’elle. Elle désirait transmettre sa conception du monde, ses réponses à « D’où venons- nous ? Qui sommes-nous ? Où allons nous ? »
Personne n’a pu dire d’où nous venons. Ceux qui ont frôlé la mort ont tous parlé d’un tunnel. Comme ils sont revenus à la vie, ils n’ont pas atteint le bout du tunnel et au XXIe siècle nous ne savons pas si nous sommes nés de la terre argileuse, de la côte d’Adam, de la cuisse de Jupiter, des poissons, des singes……Nous ne savons qu’une chose : nous naissons pour mourir. Ce qui veut dire que nous recevons à la naissance des clés pour bien mener notre vie sur un chemin caillouteux, méandreux que nous ne décryptons pas toujours. Sommes nous pour autant maître de notre destin ?
Pour Elise, la chose était évidente, nous sommes issus de la Terre puisque pour être en bonne santé, il nous faut tous les métaux et que poussière, nous redevenons poussière. Elle ne se sentait pas issue de la côte d’Adam.
Elle avait remarqué que toutes les religions révélées partaient du magma, du chaos, et autres éléments célestes, cela lui servait de preuve, parce qu’elles étaient toutes d’accord sur ce point.
Elle posa en axiome que l’homme est un élément du cosmos, un élément pensant ; pas forcément un roseau, une particule géante. S’il est doté de raison, il a une mission à accomplir avant de s’éteindre, mais laquelle ? Est-elle la même pour tous ?
Dans cet infiniment grand, quel était son rôle ?
Ceux qui meurent jeunes ont-ils accompli leur tâche ou sont-ils punis ? Eux ou leurs proches mis à l’épreuve comme le suggèrent les religions monothéistes ? La réitération du sacrifice d’Abraham ? Des gens honorables et altruistes meurent dans la force de l’âge, des calamités humaines subsistent.

Elle se prépara une tasse de thé et retourna sur la terrasse.

Une partie de ma vie commence dans cette maison se dit Elise, Nous venions de l’acheter quand Olivier est né. Est-ce la paix ou l’odeur du Sud pour nous Barbares venus du Nord qui nous a décidés à le prénommer ainsi ? »
La Paix, cette année là, elle était bien malade. Au Chili, Allende avait été assassiné et ses partisans torturés ou tués eux aussi.
En Israël , la guerre injuste du Kippour avait éclaté.
Que fallait-il y voir ? L’hégémonie non pas des Etats-Unis mais celle de la CIA .
« Ces deux évènements rapprochés, automne 73, nous avaient accablés. C’est peut-être à partir de ce moment-là que nous avons commencé à désespérer. Pourtant, en France, la Gauche s’était unifiée. C’était bon signe mais il fallait attendre neuf ans encore pour aboutir. »

Ils avaient minutieusement réfléchi au prénom de leurs enfants.
Olivier, la Paix, l’alliance entre Dieu et les Hommes, le Déluge, la Purification.
La mer gris bleu, gris vert, qui s’étend jusqu’à la Méditerranée, prenant sa source au pied de Delphes. Ville haute. La brise circule parmi les petites feuilles, des vagues argentées. En souvenir de ces jours passés à Delphes, en souvenir de l’immensité dans laquelle les arbres et la mer s’unissent, en souvenir du silence absolu et apaisant du stade, ils avaient appelé leur fils Olivier.
Quatre ans plus tard, Sophie, la sagesse, vint au monde, suivie, quelques temps après de Raphael, celui qui guérit, au sens étymologique et celui qui peint des Madones à vous couper le souffle.
Il est difficile de trouver la signification de sa naissance. Pourquoi naît-on ce jour là ? Cette année là ? Dans cette famille ? A cet endroit ? Pourquoi reçoit-on ce prénom ? En quoi nous engage t-il ?
Ce sont des signes qui nous échappent et qui doivent cependant jouer un rôle capital dans notre vie.

Sans qu’on s’en rende compte, le quotidien est un morceau d’Histoire. On le comprend avec le temps, quand on peut dire « j’y étais ». Parfois, on aurait préféré ne pas y être.
Ainsi, Elise était assise face à la Méditerranée « .Il est temps au soir de ma vie, de coudre tous les textes patchwork que j’ai rédigés. »
Ecrire pour transmettre quoi ? A qui ? Pourtant un demi-siècle parcouru, cinquante années qui se calquent sur le demi-siècle calendaire, à trois années près, il fallait bien en parler. D’une guerre mondiale à un monde devenu fou, sans cesse en guerre, il fallait bien en parler.

Quand on naît aux lendemains d’un conflit mondial, fût-ce deux ans après, on saisit plus ou moins consciemment que l’entourage vit encore dans l’esprit de la guerre, dans la douleur, avec des plaies qui ne peuvent pas cicatriser, avec des cicatrices encore rougies. On porte les stigmates des peurs antérieures des mères, on ne sait pas discerner la guerre de la paix. Des images hantent les esprits : Le Havre à peine relevé de ses cendres sera t-il rasé de nouveau ?
Les tickets de ravitaillement, les pénuries que maman et grand-mère Louise savaient tronquer par leur art de cuisiner avec trois fois rien.

A peine sorti de la guerre, on se consolait avec les Arts ménagers ; on construisait un monde nouveau ; on croyait au bonheur, ce n’était que du confort après tant de privations.

Jusqu’au premier conflit mondial, d’une génération à l’autre, on pouvait imaginer la vie de ses ancêtres bien que des événements et des techniques nouvelles en améliorassent le quotidien. Ce qu’on a appelé la Grande Guerre avait bien modifié les mentalités. « Plus jamais ça » disait-on et on recommença vingt-cinq ans après. On croyait avoir atteint le summum de l’horreur en 14-18, on fit pire entre 40 et 45. Civils et militaires, tous au combat, tous à tirer la couverture à soi, tous à s’épier et à se vendre pour une bouchée parce qu’il faisait faim ou pour sa tranquillité.


Messages

  • J’ai aimé le début avec la description de la lumière et le passage sur Delphes que j’ai trouvé poétique. Par contre, je trouve que le projet de la narratrice est ambigu. Elle dit qu’elle veut, au soir de sa vie, transmettre quelque chose. Pas son intimité mais plutôt son expérience, sa « conception du monde », les réponses qu’elle a trouvées (ou non) aux questions existentielles « d’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? ». Mais peut-on « tenir le lecteur en haleine » avec des généralités philosophiques et une suite de questions sans réponses ?
    Comme sa réflexion tourne en rond, la narratrice revient assez vite sur sa vie personnelle, évoque ses trois enfants et le choix de leurs prénoms : Olivier, Sophie, Raphaël. Trois prénoms qui sont autant de défis lancés à une Histoire, décevante, voire désespérante. Soit. Mais voilà qu’elle laisse ses enfants pour revenir à ses douze ans et à la guerre d’Algérie avec De Gaulle. Puis, sans transition, elle évoque les douze ans de sa fille Sophie et on se retrouve dans la peau de Sophie …. Enfin, quelques lignes plus tard, nous revoilà de nouveau face aux interrogations lancinantes de la narratrice qui se demande pourquoi elle écrit, ce qu’elle fait dans ce monde…Ces sauts dans le temps et ces changements de point de vue déconcertent le lecteur. Et moi, lectrice, je commence à me demander si j’ai vraiment envie de lire la suite !
    Dans le chapitre II, Elise exprime son malaise, son mal être, qu’elle attribue à l’Histoire qui a déçu tous ses rêves de démocratie et de paix. L’Histoire avec un grand H est-elle la seule responsable de nos désillusions ? Elise pourrait aussi rechercher les causes de ses désillusions, soit en elle-même, soit dans son vécu personnel de l’Histoire.
    D’ailleurs, à la fin du chapitre, il semble qu’elle commence à s’interroger sur la possibilité de « sortir de ce labyrinthe » en partant à la découverte d’elle-même et en explorant son intimité (ce à quoi elle s’est refusée au début).
    Pour me résumer, je pense que tu dois soit choisir entre le récit de ton histoire (celle d’Elise) ou de l’Histoire, soit mieux articuler les deux. Même si l’une a pu influer sur l’autre, tu ne peux capter le lecteur si tu te réfugies sans cesse derrière l’Histoire pour ne pas parler d’Elise. Mais, en fait, comme tu passes sans arrêt de l’une à l’autre sans en analyser les relations, ton récit apparaît décousu et risque de finir par lasser ; alors même que ton histoire et l’Histoire que tu as traversée peuvent trouver une résonance dans le vécu personnel de chacun.

    • Merci Jacqueline pour ton analyse et pour le temps que tu y as consacré.
      Le texte date de 10 ans. J’ai réécrit des passages mais pas ceux-là, je les aimais bien.Élise n’est pas la narratrice. Il y a une narratrice omnisciente et les pensées d’Elise.
      C’est volontairement que j’ai mélangé les deux mais si cela gêne le lecteur, je peux les séparer. Ce qui t’a paru décousu voulait être dans mon esprit, les circonvolutions de la pensée humaine ; c’est à dire, des enchainements d’idées qui à terme, n’ont plus de rapport. Je retiens la confusion pour le lecteur afin de l’améliorer mais j’aime bien l’idée et je voudrais la garder.
      Idée super intéressante : de faire comprendre à Elise qu’elle ne regarde pas que du côté de l’Histoire mais qu’elle admette ses désillusions personnelles.
      Je n’y avais pas pensé parce que je voulais croiser l’Histoire et une vie ordinaire. Je vais réfléchir pour mieux articuler les deux.
      Ma (ou mes) question était 50 ans de la vie d’une femme et un demi siècle écoulé avant le changement de siècle. La fin d’un monde, le début de l’autre avec les constantes et les divergences. En dix ans, moi, l’auteur, j’ai changé et je ne veux plus tout à fait dire ce que je voulais exprimer dix ans auparavant. Le temps presse maintenant et mon héroïne doit trouver autre chose qu’un contsat.

    Répondre au message 243 du 17 novembre 2015, 17:41, par Jacqueline


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