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Portrait d'un personnage rencontré lors d'un voyage. Portrait d’un personnage rencontré lors d’un voyage.

dimanche 10 janvier 2016 par Elisabeth

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Consigne : Brosser le portrait d’un personnage rencontré lors d’un voyage.
La technique est libre : description, en action, en creux, inventaire.

Jacqueline

Portrait inventaire
Son air sérieux, concentré, réfléchi
Il étudie la carte IGN pendant que je rigole avec Marie et quelques autres
Il enlève ses lunettes pour mieux voir les courbes de niveau
Je le regarde marcher devant moi
Son corps athlétique, son allure tranquille
Sa tignasse épaisse et bouclée
Je voudrais passer les mains dedans…

Le lendemain, nous marchons côte à côte
Profusion de silence
Sa réserve m’intrigue, j’ai envie de gratter
Malgré son air sévère, l’humour affleure
Il me fait rire…

Les jours suivants, je papillonne, virevolte
Il me regarde, attentif et bienveillant
La douceur de ses gestes quand il prend quelque chose
Je m’approche à nouveau
Profusion de paroles…

Le dernier soir, je veux faire un feu
Envie de danser, de dire ma joie
Sans un mot, il l’éteint ! Pas de feu dans un parc National
C’est un homme à principes
Rabat-joie, bonnet de nuit, on dirait mon père
Je le déteste, je l’…
Nos regards se croisent
Il me sourit

Marylène

Lucienne, mon amie,
confiante dans la vie,
elle va de l’avant.
Cheveux aux vent,
légers.
Larges lunettes noires,
Elle cache ses yeux,
sombres.
Élancée et souple comme une liane.
Musclée, elle escalade des parois vertigineuses sans faiblir,
Lucienne, qui est rentrée dans ma vie lors d’un voyage en train de Bourg saint Maurice à Paris.
Nous ne nous connaissions qu’à peine avant ce déplacement.
Je m’étais installée dans le même wagon que cette jeune femme mince et discrète, élégante et sportive tout à la fois, amie d’amis communs.
Sièges en vis à vis, quatre places pour deux !
Je choisissais toujours cet emplacement en queue de train car celui-ci changeait de sens au croisement des vallées de Maurienne et Tarentaise et je changeais alors de banquette pour être toujours dans le sens de la marche et arriver en tête de train.
Nous nous étions saluées, formalités d’usage, nous savions dès lors que nous allions passer au moins six heures ensemble.
Puis nous étions restées silencieuses, elle s’affairait dans des dossiers encombrant la table qui nous était commune, j’avais pris un livre. Elle s’était inquiétée de tenir trop de place, léger sourire, yeux plissés, noirs, lunettes sur le bout du nez, boucles d’oreilles (savoyardes) jetant des feux à chaque mouvement de tête, mains vives et sèches, légèrement déformées qui parcouraient des dossiers surlignés ici et là, elle ne voulait pas déranger, semblait contrariée par un travail à finir avant l’arrivée à Paris.
Je n’avais pas envie de gêner ses recherches, je m’étais plongée dans mon livre.
Moûtiers, un flot de nouveaux passagers encombrés de sacs et de skis. Ma voisine les avaient regardés par dessus ses lunettes, pensive, elle avait suivi du regard les uns et les autres, semblait reconnaître quelques voyageurs peu chargés, autochtones sans valise. Je savais que, comme moi, elle travaillait depuis plusieurs années dans cette bourgade de fond de vallée. Nous avions échangé quelques banalités sur les trajets difficiles en période touristique. Puis elle s’était tue, songeuse. Je la regardais, portrait double dans le reflet de la fenêtre, cheveux raides, mi-longs, coupés au carré, mèches blondes et brunes, petite frange rebelle dressée sur le sommet du front, profil net, cou dégagé, elle penchait légèrement la tête appuyée sur le velours du dossier, regard perdu dans le paysage qui défilait, son visage exprimait quelque chose comme une douleur lointaine ou peut être une fatigue profonde. Je ne savais d’elle que peu de choses : comme moi elle avait fait des études à Paris, comme moi elle avait choisi de vivre à la montagne pour élever ses enfants, nos maris se connaissaient mais nous, pas encore.
J’avais repris ma lecture, elle se laissait bercer par le mouvement du wagon et semblait s’endormir mais à chaque secousse elle ouvrait les yeux et parfois se tournait vers moi et souriait faiblement.
Albertville, arrêt prolongé bien qu’habituel, elle s’était réveillée, m’avait demandé l’heure et ce que je lisais, je me souviens encore que c’était "tous les matins du monde" de Pascal Quignard. Nous avons alors engagé la conversation, passé en revue nos livres préférées et, de fil en aiguille, nos goûts pour l’art en général, elle désespérait de savoir un jour dessiner et peindre vraiment, comme "les grands", les artistes qu’elle aimait ... Je lui avait assuré qu’il fallait essayer, si la conviction était forte, beaucoup de choses étaient possibles et lui avais fait part de mes regrets de ne pas connaître la musique. Tous les arts semblaient l’intéresser, le théâtre, la poésie, la danse, le cinéma, nous découvrions que nous aimions la littérature qui nous menait dans ces voies là. Elle m’avait promis de me prêter "terrasse à Rome" qu’elle venait de lire.
A Lyon, une demi heure d’arrêt, nous n’avions pas vu le temps passer, intarissables sur ce que nous aimions voir et entendre, quand nous allions dans la grande ville.
Nous nous sommes quittées à Paris, elle pour se rendre à un séminaire de formation et moi pour aller retrouver mes chers musées, un bain d’expositions de quelques jours, mais promesse avait été faite de nous revoir et de continuer à échanger nos impressions de lecture et nos coups de cœur rencontrés au musée, au théâtre, au cinéma ...
Nous avons tenu parole, nous nous sommes retrouvées, aussi souvent que nous le pouvions, marchions ensemble en montagne en devisant, partions à la recherche de paysages à dessiner, de creux de torrents où nous assoir, écouter et peindre, choisissions une escapade culturelle, Martigny, Annecy, Lyon ou Grenoble.
Et puis un jour tout à changé, mon amie de dix ans ma cadette, était devenue triste, lasse, ses yeux ne riaient plus aussi souvent, son visage se creusait, seuls ses cheveux gardaient le brillant de la jeunesse, elle souffrait de douleurs multiples, s’essoufflait en montant, diminuait la longueur de nos randonnées, nous nous asseyions de plus en plus souvent sur le bord du chemin prenant prétexte à admirer une belle vue, nous apportions parfois nos aquarelles et dessinions en silence, absorbées dans nos pensées puis finissions par des échanges sur le sens de la vie, de nos vies.
Nous nous sentions si petites dans ces paysages si beaux, nous voulions croire en notre pouvoir sur le cours des choses mais sentions notre fragilité, la fragilité du monde, serions nous assez fortes pour faire face à toutes les difficultés qui se profilaient à l’horizon de notre vie ?
Mais bientôt l’horizon s’était bouché à une vitesse insoupçonnée.
Malgré un automne lumineux, resplendissant de couleurs et de fruits partagés, l’hiver s’annonçait mauvais.
Le mari de mon amie m’avait alertée, elle passerait Noël à l’hôpital ...
Nous sommes allées une dernière fois au musée ensemble, elle ne connaissait pas le musée Hébert, elle tenait à peine debout, mais courageuse elle voulait encore voir des tableaux, sentir l’air frais des jardins, écouter le chant des oiseaux et des fontaines, et moi je voulais croire que ce n’était pas fini.
Trois mois après Lucienne était morte.

Dominique

Quelqu’un qui m’a marquée dans un voyage…….
Je n’ai fait la connaissance de mon parrain qu’à seize ans ; il habitait Bordeaux….à l’époque(1967) un véritable voyage à envisager .Mes parents étaient d’accord pour le train : ST Etienne-Lyon puis correspondance pour Bordeaux.
J’ai découvert un parrain drôle, facétieux et pourtant un monsieur déjà âgé, actif et généreux. Lui qui m’avait envoyé une année , juste avant NOEL, un martinet, prétextant que j’avais besoin d’être corrigée mais dont j’avais reçu le jour J un véritable beau cadeau .Il me gâtait beaucoup, anniversaires compris et l’arrivée de ses paquets étaient toujours une vraie joie.
Après une carrière de gérant de pension de famille dans les Pyrénées, il avait décidé, l’âge venant, et avec son épouse, de prendre un petit commerce à Bordeaux : une épicerie -bazar, une vraie caverne d’Ali Baba.
Un parrain qui m’a permis de vendre au magasin, un parrain qui m’a fait visiter Bordeaux et ses environs, un parrain qui plaisantait sur tout, toujours le sourire aux lèvres et qui s’intéressait à ma vie, mes études, mes loisirs.
Oui, j’ai découvert un homme sans doute ridé, vouté et fatigué mais un homme merveilleux, une révélation pour moi.
PS 1 : Mon séjour prévu pour deux semaines a duré un mois……
PS 2 : le contraire de mon père.

Elisabeth

Portrait d’un restaurateur stambouliote
Cheveux coupés très courts, poivre et sel. Normal pour un restaurateur.
Tout en rondeur.
Chemisettes sobres, toujours dans les tons beige, grège, sable. Pantalon Portrait d’un restaurateur stambouliote
noir, je crois.
A cette époque, on ne portait pas de jeans en Turquie. Mon mari se faisait harceler pour qu’il vendît le sien.
Accueil chaleureux.
Les yeux plissés par un large sourire.
Démarche entravée par l’embonpoint esquissant une danse.
Pas de mots. Echange impossible sans langue commune.
Geste fier pour inviter mon mari à se rendre en cuisine pour choisir nos plats.
Geste gracieux pour m’inviter à m’installer.
Sourire, yeux plissés.
Nous aussi, pour lui dire que sa cuisine était bonne.
Joie et fierté de nous accueillir à chaque visite.
Un soir, on passait à la télévision turque, « jeux sans frontières », notre présence le ravit. En France, nous ne regardions jamais cette émission mais nous avons fait semblant d’apprécier.

Mary

Nous prenons un mouillage au fond d’une baie prenant soin de nous éloigner des autres bateaux car la météo annonce un coup de vent dans la nuit. Trois jours sans débarquer, l’envie est pressante de trouver une douche et un pub où boire un verre d’une bière fraîche et ambrée. Le quai est inaccessible à marée basse et à cette heure du jour, entre chien et loup, nous ne voyons pas l’échelle qui nous permettrait de gravir les marches pour accéder au quai et arrimer l’annexe. Les esprits s’échauffent, la déception grandit, le mirage du pub s’estompe quand, venu de nulle part, une bout tombe à nos pieds. Une voix fend la nuit et une silhouette trapue auréolée par le halot de la lune nous domine du haut du quai. D’une voix forte à l’accent rocailleux l’homme nous tance de lui envoyer le bout qu’il arrime à une bitte d’amarrage. L’échelle nous apparaît, taillée dans les rochers noirs de la jetée. L’homme que nous découvrons est petit, râblé, il porte une tenue de pêcheur et une casquette vissée sur la tête, deux yeux bleus éclairent un visage rond, rieur, entouré d’une barbe rousse bien taillée. L’amarre est assurée au quai. Nous apprendrons que notre sauveur est le capitaine du port.
Nous resterons trois jours dans cette baie en raison du mauvais temps qui nous cloue au port. Pas un jour sans que le capitaine ne passe nous voir soit au bateau soit au pub où nous avons trouvé refuge à l’abri des rafales d’un vent d’est. Vigie à toute heure du jour et de la nuit, il veille sur la baie des iles Scilly et sur les bateaux qui viennent mouillés dans la baie. Ni les caprices des marées ni l’emplacement des récifs dans le secteur ni les mouvements n’ont de secrets pour lui. Un an déjà qu’il est en retraite après plus de quarante ans de service mais il n’a pas passé la main à son successeur qui l’accompagne, en silence, dans tous ses déplacements, docile et résigné.

Marie Noëlle

Le plus fascinant chez lui, ce que je ne me lassais pas d’observer et d’admirer, c’était l’amplitude de sa marche. Moi qui, à chaque foulée, m’enfonçais dans le sable mou, j’essayais de comprendre comment il déployait son pas, quel équilibre et quels appuis lui permettaient de faire de telles enjambées. Il semblait ne fournir aucun effort sur ce plateau surchauffé du Tassili, au dessus de Djanet. Il nous menait, tel un seigneur du désert, à travers le dédale des rochers, à la recherche de gravures rupestres. Vêtu d’une djellaba bleu roi, coiffé d’un chèche blanc, il régnait, lui pourtant si jeune, sur ce trésor de l’humanité, sans en avoir vraiment conscience, insouciant de son rôle, simplement heureux de bien gagner sa vie en compagnie de six joyeux lurons, six « roumis »émerveillés.
Il aimait rire avec nous et nous étions égaux. Et c’est parfois lui qui nous taquinait avec beaucoup de finesse. Il avait constaté notre travers de touristes : les photos. Et il nous gratifiait d’un « kalak, kalak » moqueur à chaque déclenchement de l’obturateur.
Nous avions presque le même âge, mais il était plus élancé, plus élégant. Sa peau sombre, ses dents blanches, son éternel sourire, son port de tête en faisaient un roi. C’était un targhi.
A la fin de la semaine d’excursion, ses chaussures avaient rendu l’âme et c’est pieds nus qu’il descendit, avec la même distinction et le même humour, le sentier caillouteux qui nous ramenait à Djanet.
Avant de reprendre la route, l’un d’entre nous lui a donné ses pataugas. Et comme pour nous remercier, il nous a invités à le rejoindre, pour partager l’assemblée des hommes au centre du village, à la tombée de la nuit.
Le spectacle était fabuleux. Le jour baissait et la lumière avait une transparence particulière. La place, de taille modeste, était bordée de bâtiments blancs à arcades, comme à Ghardaïa. Le sable, qui recouvrait le sol, étouffait le bruit des pas et des conversations. Les touaregs déambulaient tranquillement entre les quelques étals posés à même le sol. Impossible de distinguer notre guide parmi ses pairs, car tous ces seigneurs du désert se ressemblaient. Mais, enfin, nous le reconnûmes : il marchait fièrement et veillait à ce que chacun remarquât bien qu’il portait aux pieds de robustes pataugas.


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