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Atelier d'écriture du 11 décembre : Noël, l'attente, les (...) Atelier d’écriture du 11 décembre : Noël, l’attente, les portes.

jeudi 15 décembre 2016 par Elisabeth

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Nous avons commencé la séance par quelques anamnèses relatives à Noël.
Une anamnèse est un récit bref qui traduit une émotion.

Jacqueline
L’odeur du sapin et la lueur des petites bougies allumées une à une par notre père
La gratinée que nous mangeons en rentrant de la messe de minuit
Et le privilège convoité de déposer l’enfant Jésus entre Marie et Joseph avant d’aller se coucher

Mary
Odeur de pains d’épices, des peaux d’orange sur le poêle grillées. Étoiles dans les yeux des enfants. Sapin enluminé.

Myriam
Petites friandises de Noël
Le sapin sentait la résine,
Les bougies étaient de vraies bougies accrochées aux branches par de petites pinces métalliques,
Les belles boules étaient en verre fragile,
Sur tout cela les bâtons magiques déversaient une pluie d’étincelles.

Elisabeth
Des guirlandes multicolores, des guirlandes, l’effervescence.
Nous, les enfants, nous devions faire la sieste. Trop excités, nous ne dormions pas.
A minuit, ma grand-mère faisait tomber bruyamment un objet et criait : "Venez voir, il est passé."

Autre consigne : Après lecture d’un passage de "Dix heures et demie, un soir d’été" de Marguerite Duras, nous devons raconter une attente.
A présent que nous écrivons sur des projets personnels, tous les textes ne sont plus mis en ligne.

Myriam
Autrefois, on couchait les enfants tôt. Mais ce soir-là, le repas avait été pris avant 19 heures et les petites avaient été mises au lit tout de suite après. J’avais été envoyée dormir dans ma chambre. Autant dire que je n’avais pas sommeil. J’entendais des bruits inhabituels. Le choc de la vaisselle vite expédiée, des chuchotements, la porte de la penderie qui coulisse et comme un bruit de talons qui se retiennent de frapper sur le parquet. Puis la porte d’entrée se ferme et le bruit des pas dans l’escalier décroit. Mes parents sont partis ! Ils nous ont abandonnés ! Je me lève doucement, pieds nus je vais dans la cuisine. A la lumière de la lune, je vois la vaisselle rangée sur l’égouttoir. Dans la pièce à côté, les petites dorment à poings fermés. Dans la chambre des parents personne ! Le lit n’est même pas défait. ? Est-il possible qu’ils nous aient abandonnés ? Trop de soucis ? Pas assez d’argent ? Je revois le visage soucieux de ma mère, le front de mon père barré de rides quand il revient fatigué du travail. Je n’ai pas dix ans mes sœurs ont quatre et cinq ans de moins. Que vais-je faire ? Nous habitons en Lorraine et nos bonnes grand-mères sont dans la région lyonnaise, comment les rejoindre ? Mon esprit bat la campagne, une boule d’angoisse paralyse ma gorge. Cependant dans cette détresse, un bruit me revient, celui des hauts talons de ma mère, je vais vérifier dans le placard, ils ne sont plus là. On ne s’enfuit pas en talons aiguille ! Ils sont donc sortis voir des amis ! Alors la colère me submerge, ils auraient quand même pu me prévenir, je suis bien assez grande pour veiller sur mes sœurs s’ils veulent s’amuser ! Mais me laisser dans l’ignorance et l’angoisse ! Je ne leur pardonnerai jamais ! Cependant la fatigue l’emporte et je m’assoupis. Beaucoup plus tard, des bruits discrets parviennent à mon oreille. Ils sont rentrés ! Une vague de bonheur m’enveloppe et me réchauffe comme un édredon douillet sous lequel je m’endors profondément.

Elisabeth
Péloponèse. Dimanche matin. Les trois clochetons du campanile tintent. Le parvis de l’église orthodoxe se vide, les fidèles entrent pour prier. Les mécréants sont à la plage.
Comme toujours, le ciel est bleu et le soleil est déjà chaud.
Nous, Nadine, Poussine et moi, les touristes, nous rejoignons une bande de jeunes Grecs avec lesquels nous avons sympathisé depuis quelques jours.
Maria parle français. Avec ses amis, nous parlons anglais. Elle nous présente son fiancé qui vient d’arriver d’Athènes.
Dimanche ou lundi, en vacances, les jours se ressemblent. Cependant, un sentiment indéfinissable et inexplicable nous laisse supposer que ce dimanche ne sera pas identique aux précédents.
Nous avons à peine honte de vivre à contre-courant. Souvent, nous allons à la plage quand les Grecs rentrent chez eux pour la sieste. Nous, les Normandes habituées au froid même en été, nous profitons de ces heures de chaleur excessive.
Ce dimanche, nous vivons à l’heure grecque. Nous nous baignons à la même heure que nos amis.
Quand nous sortons de l’eau, nous remarquons un attroupement. Quelqu’un a crié d’un bateau pour avertir qu’il ramène un noyé.
Comme tout le monde, nous attendons que la barque atteigne le rivage. Puis les hommes aident le marin à enlever le corps de l’embarcation pour le poser sur le sable.
C’est un homme jeune, presque un adolescent. Il porte encore ses palmes. Il est vert déjà.
Un homme d’un certain âge, s’effondre. Il pleure. Il hurle.
Nous supposons qu’il s’agit du père.
Maria nous explique que cet homme habite à quelques kilomètres à l’intérieur des terres.
Il vient régulièrement à la plage, le dimanche. Aujourd’hui, il a emmené le fils de ses voisins. Il ignorait que le jeune homme ne savait pas nager et il l’a laissé s’éloigner du rivage.A cause des palmes, le garçon s’est aventuré hors de ses limites et il n’a pas pu revenir.
Que va dire cet homme aux parents qui lui ont confié leur fils ? Ils sont partis joyeux, dans la perspective d’une agréable journée et il revient seul. le jeune homme a été emmené à la morgue.
Nous, les étrangères, nous ne connaissons personne mais l’image de ce garçon inanimé, au teint olivâtre et celle de son voisin hurlant de désespoir nous touchent profondément ;
nos amis grecs qui les connaissaient de vue sont bouleversés.
La plage est déserte à présent. Nous restons au soleil, comme d’habitude, mais le coeur n’y est pas.

Après le déjeuner, je lis le texte concernant les portes dans " Espèce d’espace" de Georges Perec.
La consigne d’écriture est : Après les murs, les portes.

Jacqueline
Les portes chez Kafka
Quand Gregor Samsa se métamorphose en un monstrueux insecte, il commence par refuser d’ouvrir sa porte malgré les injonctions de sa mère, de son père et de sa sœur. Ouvrir la porte, c’est affronter le regard des autres et mettre à nu sa monstruosité. Peut-il prendre un tel risque ? Lorsqu’il se décide enfin, la porte devient un obstacle presque insurmontable. Il lui faut prendre appui sur le coffre pour se redresser et entreprendre de faire tourner la clé avec sa bouche. En le voyant, sa mère s’évanouit, son père, l’air menaçant, semble vouloir le repousser et sa sœur disparait. Gregor comprend qu’il doit regagner au plus vite sa chambre, son père l’aide en lui donnant un violent coup par derrière. Désormais, la porte ne s’ouvre plus qu’une fois par jour, lorsque sa sœur lui apporte furtivement sa nourriture. La suite, vous la connaissez…
Le héros kafkaïen se heurte presque toujours à des portes infranchissables. Dans Le Procès, Joseph K cherche en vain à se défendre contre une accusation qu’il ignore et toutes ses tentatives se heurtent à des fins de non-recevoir. Wells a magnifiquement mis en scène ce double sentiment de culpabilité et d’impuissance en confrontant son personnage à une porte gigantesque qui l’écrase.

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A la fin du roman, la Parabole de la Porte de la loi raconte l’histoire d’un homme qui attend pendant des années sans parvenir à franchir la Porte jusqu’au moment où le gardien lui hurle que cette porte n’était faite que pour lui mais qu’à présent, il est trop tard ! L’homme a perdu sa vie à attendre alors qu’il aurait pu entrer : Pourquoi s’est-il interdit de le faire ? Les véritables obstacles n’étaient-ils pas extérieurs mais en lui-même ? Je vous laisse méditer sur ces interrogations …

Mary
Dans notre premier appartement que nous avions aménagé nous-mêmes, point de porte, si ce n’est celle d’entrée. La salle d’eau était dissimulée derrière un rideau, notre coin nuit également. Une intimité à deux, un nid, un cocon. Le mouvement de chacun était perceptible à l’autre, les sons, les odeurs étaient mêlés. Nous pensions devoir tout partager, nous confondre l’un dans l’autre.
A l’arrivée de notre premier enfant, il fallut partager l’espace avec un petit être au rythme et aux besoins particuliers. Nous perdîmes notre intimité et notre bébé, expulsé d’une atmosphère ouatée, ne se retrouvait pas dans un univers sonore peuplé de musiques et de bruits. Impossible pour lui de trouver son rythme propre. Pas de porte, pas de sas. Pas de sas, pas de silence, jamais.
Le jour où nous déménageâmes dans un logement plus conventionnel, notre enfant s’apaisa ; plus de pleurs intempestifs et à de longues plages de sommeil succédaient des périodes d’éveil et de gazouillis qui nous ravissaient. Notre petite fille s’alimenta régulièrement et commença à prendre du poids. Ce fut radical. Elle conserva tout au long de son enfance et jusqu’à son départ à l’âge adulte, l’habitude fermer sa porte de chambre le soir ainsi que la journée, gardant son espace à elle protégé, abrité des bruits de la famille, conservant son intimité à l’écart de ses frère et sœur notamment.
De cette expérience nous avons conservé dans chacun des logements que nous avons occupés la présence de portes dans les espaces personnels dont nous respectons le franchissement après accord des intéressés, les enfants ont fait de même pour ce qui est ne notre chambre.
La parentalité nous a fait comprendre la nécessité du respect de l’intimité, la sienne propre comme celle de l’autre.
Par contre, nous avons maintenu l’ouverture et la convivialité dans notre espace de vie pour partager rires et cris, bruits, cacophonie et odeurs de cuisine.
Les enfants partis, les portes se sont refermées sur leurs antres, les objets sont restés sous la poussière du temps. J’ai tenté, un temps, d’investir la chambre de notre benjamine pour y écrire ; elle s’en trouva froissée. Trop tôt pour elle, je me suis appropriée un autre espace, ouvert quant à lui.
J’attendrai qu’elle soit "vraiment" partie pour refaire sa chambre, la banaliser, en faire un bureau. Alors, je pourrai à mon tour fermer la porte derrière moi pour m’installer au bureau et écrire en toute impunité, à l’abri des regards et des bruits familiers. L’écriture requiert elle aussi l’intimité.

Elisabeth
Nous quittons enfin la Croatie et le Montenegro. Les portes du Mont Olympe se déploient.
Je n’ose pas dire les portes du Paradis après la traversée de l’Enfer.
En Grèce, les portes s’ouvrent facilement. Le plat réservé à l’Etranger attend sur un coin de table.
A Salonique, où nous dormons sur la plage, nous trouvons au réveil des fruits et des petits pains. Pas de porte. Ni à ouvrir, ni à fermer. C’est le portail de l’échange.
Sur le bateau qui nous emmène en Crète, nous dormons sur le pont. Pas de cabine, pas de portes qui nous éloignent les uns des autres. Nous partageons la traversée de l’Histoire, tant de fois répétée.
A Phaïstos, il ne reste que des ruines de la résidence d’été de Minos et de Pasiphaé. Que des souvenirs de portes. Mais tant de beauté d’un royaume déchu. Le soleil passe sur son char et sa lumière blanche illumine le site, comme une auréole, sur un royaume maudit.
A matala, des Hippies vivent dans des grottes sans portes. Ils se baignent au Ponant dans la lumière bleutée, nus, en toute liberté.
Un peu en retrait, nous vivons sur la plage, sans murs et sans portes sous le soleil et l’indigo de la nuit. Nous vivons comme les Hippies, à côté des Hippies, nous communiquons par sourires complices. Parmi eux, une très jolie fille attend un enfant. Elle exibe son ventre arrondi. Le soir, elle le couvre d’une large robe en voile de coton.
Transparence,liberté, pas de tabous, pas de portes pour délimiter le pudique de l’impudique.
Nous sentons en nous, naitre une forme nouvelle de bonheur, en accord avec la Nature.
Nous avons ouvert les portes de nos maisons. Il nous semble difficile de les refermer derrière nous.
Les portes jouent un rôle important dans la mythologie et dans nos vies. Parfois, elles claquent pour toujours.
Elles représentent souvent des degrés à franchir, des épreuves à accomplir par les quelles il faut passer. Elles jalonnent un parcours initiatique pour réussir une vie, sa vie.
Parfois, on les ferme à clé comme pour enfermer un trésor. Ainsi, on délimite le bonheur alors qu’il est en nous dans l’immensité des choses et nous croyons qu’il faut l’emmurer.
Nous nous hâtons de fermer la porte, quand il faudrait l’ouvrir, voire la supprimer.

Marylène
Anamnèse, texte court, trois phrases comme un haïku, souvenir par sensation sur le thème Noël

Le goût du dentifrice trop puissant, me rappela la fraîcheur amer des premières oranges de Noël, à cinq ans, je n’aimais ni les oranges ni me laver les dents.

M. Duras. "10h30 un soir d’été"

Écrire sur l’attente
Quelque part, je sens qu’il va se passer qq chose d’anormal, l’attente

Mon médecin attitré, celle sur qui j’ai compté et qui a pris soin de moi depuis si longtemps, est partie à la retraite, je dois maintenant consulter quelqu’un d’autre, difficulté de trouver la bonne personne, celle qui me prendra en main aussi bien que celle qui vient de nous quitter, nous ses fidèles patients.
Écumer les adresses les plus proches de chez moi, demander conseil aux amies et connaissances. Au téléphone, essuyer les nombreux refus de secrétaires à la voix doucereuse et efficace, pour la (bonne) raison disent-elles, que je ne suis pas sur la liste des patients du Docteur sollicité par moi en toute humilité. Ne pas insister, changer de stratégie. Choisir une Spécialité, mais laquelle ? Dépassements d’honoraires. Changer de cap, hésiter, aller voir du côté des médecins proposés par ma mutuelle. Pointer au hasard le doigt sur la longue liste d’inconnus et inconnues, lequel ? Laquelle ? Un homme, une femme ? D’ailleurs ce prénom c’est masculin ou féminin ? Jouer à pile ou face, ne pas s’énerver, avoir de la chance. Heureusement on peut se faire soigner ici, aujourd’hui et même presque gratuitement, on a la sécurité sociale !
On doit bien trouver des volontaires pour soigner tout le monde, enfin tous ceux qui ont quelques moyens pour y mettre le prix. Préférer un jeune médecin ou un plus vieux comme moi, mais sérieux. Dilettante, s’abstenir. Consulter toutes les listes à portée d’Internet et de téléphone. Opter pour un nom : chinois, arabe, breton, savoyard,suisse, ou de nulle part ? Tirer au sort.
Décider mais avec la complicité du hasard : prénom féminin multiculturel, Sonia. Ce sera donc une femme ; nom double, ça brouille les pistes, et ça rassure, jeune sûrement, comment le savoir ? Enfin le rendez-vous est pris pour la semaine suivante, oui la semaine suivante !
Pas de notoriété, pas de dépassement, bon ou mauvais signe ? Pas loin de chez moi, pas proche non plus. Inconnue de mes amies et voisines si promptes à me donner leurs conseils.
Ma vie sera bientôt entre ses mains, expertes (ou pas).
Comme pour un rendez-vous d’amour, fébrilité naissante, interrogations, doutes. Ne pas oublier, le jour, l’heure, l’adresse, noter dans l’agenda, ne pas être en retard, partir en avance, regarder sur le plan, quinze minutes en vélo, trente cinq à pied. Prendre son temps, une semaine pour retrouver les derniers bilans, une semaine de répit, une semaine pour se préparer, je ne me sens pas vraiment malade mais je m’inquiète de tout ce que mon corps met en alerte, clignotants des petites douleurs de tous les jours, matins difficiles, nuits agitées, mouvements récalcitrants, membre raides.
Enfin j’ai en face de moi l’élue, une jeune femme, grande mince, pâle, cheveux noirs. Elle, l’air un peu sévère, moi, un peu troublée. Elle m’interroge, me palpe, me fait allonger. Mesure, écoute, écoute encore les battement du cœur, recommence, m’interroge à nouveau. Calme. Elle semble s’interroger. Inévitablement ma tension monte. Suis-je dans les normes de mon âge ? Ai-je des antécédents personnels ? Familiaux ?
Fin de séance. Elle rédige deux ordonnances, pour deux spécialistes : cardiologue, radiologue et ajoute une liste d’examens comme je n’en n’ai jamais eue. Je prends les ordonnances, les regarde à peine, consciente de mon ignorance dans le domaine et appréhension de ne rien comprendre, je les plie soigneusement et les fourre précipitamment dans mon sac, on verra demain.
Dès le lendemain matin, à jeun, je vais faire faire les examens, trois tubes de mon beau sang rouge sombre sont remplis doucement.
Demain j’aurai les résultats que je ne saurai pas déchiffrer.
Demain la deuxième attente commencera.

Les portes de G Perec dans "espèces d’espaces"

Des murs, des fenêtres et des portes

Les murs ont un âge, l’âge de leurs matériaux, pierre, brique, terre crue, béton ; assemblages savants de bois, galets, sable, chaux, paille, pisé, poutres et poteaux, colombages apparents ou discrètement cachés sous un crépis. Les murs sont lourds, puissants, hauts parfois, remparts contre les envahisseurs, le froid, la chaleur, les vents, les regards. Solides avant tout, ils doivent durer.
Quand ils font façades, ils sont comme des visages qui se présentent au monde.
Ils montrent le passage du temps, parlent des bâtisseurs d’hier, gens ordinaires et architectes savants. Ils cachent et protègent les habitants fortunés ou démunis et, comme eux, ils vieillissent. Ils prennent des rides, se fissurent, se lézardent, jusqu’à devenir lépreux. Alors il faut les rajeunir : "talochages" réparateurs, crépis protecteurs, peintures chatoyantes, ravalements qui rassurent et effacent passagèrement les outrages du temps.
Les fenêtres, au ras des façades, n’ont pour tâche que de s’ouvrir et de se fermer, dormir et s’éveiller, rectangles sombres le jour, illuminés des chaleurs intérieures, la nuit. Elles n’ont rien à montrer, elles sont les yeux de verre du mur qui les enserre. Haut perchées, elles regardent au loin. Au rez-de-chaussée, elles lorgnent le mur d’en face, l’autre côté de la rue.
Si les fenêtres sont souvent indifférentes aux coquetteries Architecturales, les portes de façade, se mettent en scène, font les coquettes, se font remarquer car c’est sur elles que nous devons porter le premier regard, c’est par elles que nous pénétrons dans ce lieu clos qu’est la maison, l’immeuble ou l’hôtel, c’est avec elles que nous changeons de décennies, de siècles et de styles. Les portes se doivent de faire honneur à leur époque, d’être belles, bien faites, joliment peintes ou de bois massif, de métal sérieux, de fonte noire et de verre cathédrale avec impostes ajourées pour laisser traverser la lumière.
Parfois, au centre de la porte, place d’honneur pour une poignée lustrée que nos doigts vont effleurer, laiton reluisant, fonte chantournée ou pour un marteau imposant, un brin prétentieux, à prendre à pleine main, bruyant, pour qui veut se faire annoncer.
Le décor souligne, encadre, creuse et enfle les larges portes d’entrée qui se vantent d’être fiables et accueillantes, à l’image des occupants du lieu. Ni neutres ni standards, elles doivent en imposer, étonner et accueillir, elles sont comme les bras ouverts de la maison.
Pour preuve de savoir vivre supplémentaire, une marquise, légère, plate ou galbée, en forme de coquille ou d’ombrelle transparente, vient se percher au dessus de la porte et assurer un lien discret de l’extérieur vers l’intérieur en abritant simplement le visiteur arrivé sur le seuil du logis. Parfois l’extra se fait plus protecteur encore, semblant sortir de nulle part, du sol ou du ciel peut-être ? Une véranda majestueuse et clairvoyante avance alors en direction du jardin ou de la rue.
On peut se demander : qui a besoin de protection, le visiteur ou le propriétaire frileux ?
Toutes les portes ne se valent pas, mais la porte d’entrée se doit d’être souriante et généreuse,
comme le rappelle le motif en bas relief d’une corbeille débordante de fruits qui rehausse le linteau
blanc d’une façade blanche, vaillant témoin Art Déco, émouvant tant il est simple et prometteur.
Jeunes ou d’un âge avancé, dans leur cadre de pierre taillée, elles se sentent belles, les portes,
comme des tableaux dans un musée et se signalent fièrement par un joli cartel en aluminium
brossé, cuivre poli ou tôle émaillée blanche et bleue, avec leur numéro d’ordre de passage dans la
rue.
Et moi, le nez en l’air, l’oeil aux aguets, comme le temps, lentement, je passe.


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