Les siècles de la Renaissance.

On a coutume de dire que le Moyen-Âge prend fin en 1492. Pourquoi ? Parce que c’est l’année où Christophe Colomb découvre l’Amérique. On découvre un nouveau monde. On découvre que la terre n’est pas plate comme l’a enseigné l’Eglise mais qu’elle est ronde. C’est un appel à la "modernité". Les mentalités vont changer.
L’Espagne, qui a armé les caravelles de Colomb, s’enrichit de l’or du nouveau continent et devient une grande puissance.
Cette même année 1492 marque la fin de la Reconquête : les musulmans quittent la péninsule ibérique. Les juifs sont expulsés de Castille et du Portugal après sept cents ans d’entente pacifique.
Ces événements de grande importance touchent surtout l’Espagne. Bientôt toute l’Europe occidentale va se transformer.
Vous imaginez bien que le temps ne s’est pas arrêté entre décembre 1491 et janvier 1492. Le XVe siècle est riche en événements. L’invention qui va bouleverser l’Occident, c’est celle de Gutenberg en 1450. L’amélioration qu’il apporte à l’imprimerie permet le développement du livre et par conséquent la circulation de nouvelles idées.
Le premier livre imprimé par Gutenberg est une bible. Rien d’ étonnant. Cependant, elle révèle que les positions de l’Eglise catholique, qui se revendique du livre saint, ne sont pas conformes aux écrits. Le moine Martin Luther s’oppose alors au pape qui l’excommunie, puis il se révolte contre l’empereur Charles-Quint qui le met au ban du Saint Empire Romain Germanique par l’édit de Worms. L’Eglise chrétienne d’occident se scinde : ceux qui restent fidèles au Pape et ceux qui suivent Luther. Papistes, anti-papistes.
Le monde change, bascule même, parce que les Arabes, qui ont été les maîtres du Moyen-âge, vont être dépassés par l’Occident. Cela commence avec la perte de l’Espagne, cela continue avec les nouvelles inventions. Ils étaient les maîtres des mathématiques, de l’astrologie, de la médecine... Les humanistes occidentaux occupent à présent les premières places.
Le Saint Empire Romain Germanique dirigé par Charles-Quint d’une main de fer devient un véritable adversaire pour l’Empire Ottoman.

Pourquoi parle t-on de Renaissance ? Le changement a t-il été soudain ? N’avait-il pas commencé avant la date clé de 1492 ?

Le terme de Renaissance prend son sens dans l’Art. Les humanistes italiens ont appelé cette période qui s’étend du XIV au XVIe siècle, "il Renascimento" parce que les artistes redécouvrent la littérature, la philosophie et les sciences de l’Antiquité. Les sculptures répondent aux canons des œuvres antiques. Cependant, le retour aux sources n’implique pas l’imitation.
Le mouvement naît à Florence au "quattrocento" mais il a commencé dès le "trescento" dans des villes comme Pise ou Sienne, la rivale de Florence. Sienne est favorable au pouvoir impérial tandis que Florence est proche du pouvoir papal. Cependant en remerciement de la victoire de Montaperti contre Florence, Sienne se place sous la protection de la vierge. A partir de ce moment de nombreuses représentations de Marie sont commandées aux peintres.

Duccio. Vierge à l’enfant

Duccio utilise encore l’or mais sa palette est plus douce que celle des peintres byzantins et il introduit l’ombre dégradée, ce qui donne du volume et rend les personnages plus réalistes.

Pise

L’architecture

 L’architecture religieuse

Il faut remonter jusqu’au XIe siècle pour comprendre les particularités de l’Art italien.
Alors qu’en France on construisait l’église de Saint Denis avec ses verrières qui laissaient entrer la lumière divine, à Rome, on privilégiait encore la forme de la basilique paléochrétienne. La plupart des édifices reposaient sur les bases des anciens.
Les Papes pour asseoir leur pouvoir, font ajouter tantôt une nef latérale tantôt un portique, ou un campanile en brique, à côté de l’église, percé de fenêtres simples ou germinées (colonnes groupées deux à deux) ou des triforium.
Des Cisterciens venus de Bourgogne importent l’élan gothique. Le style est plus austère qu’en France. Le plan est en croix latine. Le chœur est rectangulaire augmenté de deux chapelles rectilignes à voûtes en berceau. L’abside est percée de trois fenêtres et la façade d’une rosace. Nous sommes loin des dentelles de pierre du reste de l’Europe.
En 1228, des Franciscains, indépendants du style français construisent l’église de Saint François d’Assise. Une église inférieure qui rappelle une crypte romane et une église supérieure, plus élégante, plus élancée avec une seule nef, lumineuse, compartimentée par des piliers couverts de voûtes en ogives. C’est un style nouveau qui reste cependant très proche encore du Roman.
Les seules églises gothiques d’Italie sont la chapelle pontificale de Latran et "il duomo" de Milan

il Duomo de Milan.

Le Pape Nicolas V (1397-1455,), célèbre pour sa bulle encourageant l’esclavage et la traite négrière, veut embellir Saint Pierre de Rome pour marquer son autorité.
A Florence, les Medicis embellissent la ville pour affirmer leur puissance.
Pour ces grands travaux, ils font appel à des artistes polyvalents, renommés. Ils sont peintres, sculpteurs, architectes, ingénieurs, orfèvres.

Les normes changent. Sans s’éloigner des thèmes religieux, les artistes prennent pour bases les canons de l’Antiquité. Ils mettent en valeur la symétrie, les proportions, la régularité et l’équilibre des motifs. Les édifices sont ornés de colonnes doriques, ioniques ou corinthiennes. les voûtes sont en plein cintre. Ils ajoutent des dômes hémisphériques, des niches.
Cette nouvelle architecture séduit les Français. Ils sont venus pour guerroyer, ils découvrent des splendeurs. Louis XII et surtout François Ier font venir en France des artistes italiens. Le mouvement se répand à travers toute l’Europe, en Flandre, dans les Balkans, en Angleterre...

 L’architecture profane

La villa, en tant que demeure de campagne, se répand pendant tout le XVe siècle en Italie. Peu d’architectes parviennent à une véritable gloire. Les villas sont célèbres mais on a oublié le nom de l’architecte. Seul, Andrea Palladio, supplante maitres et disciples. De formation classique, il utilise les éléments de base de l’Antiquité auxquels il ajoute sa griffe personnelle. Il insère colonnades, frontons, pilastres jusque là réservés aux demeures seigneuriales. Cette architecture convient aux classes dominantes qui désirent montrer leur puissance.

En France, le roi fait construire des châteaux magnifiques au bord de la Loire.

chateau de Chambord

La peinture

 La peinture sacrée.

Le peintre et architecte Giorgio Vasari publie en 1550 à Florence "Vie des plus illustres peintres, architectes, sculpteurs"
Cet ouvrage, la première histoire de l’Art, permet de comprendre le mouvement continu des artistes du Moyen-Âge à la Renaissance. De Cimabué au Titien en passant par Giotto, Bellini, Raphael... Il montre les progrès de l’Art pour atteindre la perfection. il fait preuve dans ses recherches d’une grande curiosité sans préjugés. Il analyse de la même façon des oeuvres un peu désuètes et des oeuvres contemporaines. Il rencontre un grand nombre d’artistes encore vivants. Ses analyses sont fines et permettent de comprendre comment évolue la pensée à travers l’Art.

Cimabué. détail de la Madone, St françois et quatre anges

En cliquant sur chaque reproduction, vous pourrez apprécier vous-même les marques de cette évolution de la peinture sacrée. Cimabué (1240-1302) encore très proche de l’Art byzantin donne déjà un mouvement aux tissus et laisse apparaitre des émotions sur les visages. Sur le tableau de Titien, (1488_1576) les personnages ont de l’épaisseur et l’arrière plan montre la nature et met en lumière une nouvelle technique, la perspective.

S’il effectue des recherches précises, Vasari se limite aux artistes italiens. Nous avons vu que ce nouveau mouvement se répand à travers l’Europe. Dès le XIVe siècle, les peintres voyagent, se rencontrent, échangent des procédés, nous avons évoqué cela dans l’article sur le gothique.

Au Moyen-âge, l’Europe se construit autour de la foi avec le désir de s’approcher de la lumière divine, à la Renaissance, la foi n’est plus le seul moteur pour atteindre l’excellence. C’est la soif de connaissances des humanistes qui permet la création.

 La peinture profane

Au Moyen-Âge, les commanditaires se font peindre dans un rôle biblique ; en roi mage dans les adorations, en spectateurs de l’Annonciation ...Quelques-uns se font faire le portrait. A la Renaissance, seigneurs et riches bourgeois passent commandes.

Comme il faut montrer qu’on est riche et puissant, on se fait peindre avec des objets de grandes valeurs. C’est la naissance des" Cabinets d’amateurs" qui vont devenir une véritable mode et pendant longtemps. Avec un peu de morale les "Vanités" rappellent que les biens terrestres sont inutiles puisque nous sommes tous égaux devant la mort. Une Vanité est un Cabinet d’amateur où figure une tête de mort.

Comme on a recours aux valeurs de l’Antiquité, les mythes grecs sont des sujets peints, au même titre que les histoires bibliques. Le nu, interdit dans la peinture sacrée du Moyen-Age prend à la Renaissance une place capitale.

La liste des artistes serait trop longue parce que princes et pontifes embellissent leurs palais et leurs églises. Nous retiendrons deux noms pour ce qu’ils ont apporté de nouveau à la peinture. Léonard de Vinci pour la perspective et le nombre d’or dans l’équilibre du tableau.

Le Caravage pour le clair-obscur et la Nature Morte sujet à part entière. Comme la "vanité", la Nature Morte évoque la beauté mais l’éphémère des fleurs, donc, la mort.

La sculpture.

Nous ne citerons que deux grands noms mais n’oubliez pas que tous les peintres sont aussi des sculpteurs.
D’une manière générale, les sculptures sacrées ressemblent aux statues profanes de la mythologie grecque parce que dans l’un et l’autre cas, ce sont les canons de l’Antiquité qui servent de normes.

Donatello (1386-1466) est selon Vasari, l’égal des Grecs et des Romains tant son génie dépasse son époque. Il est le maitre du bronze, l’inventeur du bas-relief en méplat (parties très tranchées ni plates ni creuses ni en bosse), ce qui aura une incidence sur la peinture.

Michel-Ange, digne successeur de Donatello, est selon Vasari d’inspiration divine.
Domenico, son maitre d’atelier, disait de lui que non seulement il surpassait ses camarades mais le maître aussi.

Michel-Ange David

La fresque

Elle avait disparu au gothique pour laisser la place à ces grandes verrières, elle reprend sa place dans l’Art sacré comme dans l’Art profane. Peintres et sculpteurs s’initient à cette technique particulière.

cathédrale d’Albi.

La littérature

Elle se caractérise par une philosophie humaniste issue de la littérature antique qu’on redécouvre.
L’homme est au centre de ses connaissances. Théorie d’Aristote.
les idées platoniciennes sont plutôt reprises par le christianisme.
De nouveaux genres littéraires apparaissent tels que l’essai : "Les essais" de Montaigne, "discours de la servitude volontaire" de La Boétie, en France, "l’éloge de la folie" d’Erasme en Flandres, Utopia de Thomas More en Angleterre, " Le Prince" de Machiavel, en Italie....
Bien qu’il ait choisi le roman, on peut classer Rabelais parmi les philosophes.
En poésie, on abandonne l’Epopée pour le sonnet, forme fixe de quatorze vers : Pindare en Italie, Les poètes de la Pléiade et de l’école lyonnaise en France...
Le roman picaresque : Lazarillo de Tormes en Espagne
Le théâtre : Shakespeare en Angleterre, Dom Juan de Tirso de Molina en Espagne...

Et l’Europe dans cette métamorphose ?

En s’étalant sur trois siècles, la Renaissance consolide tous les liens qui avaient commencé à se nouer au Moyen-Âge.
L’institution-Eglise se morcelle : les catholiques, les protestants, les anglicistes. Le Pape et l’Eglise n’ont plus la même autorité mais la foi en Dieu demeure. Elle s’exprime différemment, par l’exaltation de la nature, par la vérité recherchée auprès des savants et philosophes grecs de l’Antiquité.

L’Art, quelle que soit sa forme d’expression, tend vers la perfection.
Ce mouvement des idées qui se répand dans toute l’Europe, pose la première pierre de l’Europe d’aujourd’hui, précisément parce qu’elle crée l’Europe des idées et des peuples.

Vous me direz que c’est à la Renaissance que les banques ont pris leur essor. Je vous répondrais que c’était une nécessité pour développer cette grande Europe naissante afin qu’elle atteigne la puissance des grands Empires du passé.
Cependant, ce qui domine dans l’Histoire de la Renaissance, ce sont les arts et les philosophies.