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Folks vs “Giselle” Folks vs “Giselle”

samedi 10 mai 2014 par Sharon

Folks vs “Giselle” - Un dialogue postmoderne

L’hypothèse émise dans de cet article peut surprendre... Néanmoins j’ai décidé de suivre mon imagination et d’envisager un dialogue entre les deux oeuvres - “Giselle” (Jean Coralli et Jules Perrot 1832, Mats Ek 1982) et “Folks” (Yuval Pick 2012)
En examinant au-delà de la naïveté de l’écriture chorégraphique de l’époque romantique nous pouvons constater que “Giselle” est l’histoire d’un individu hors du commun qui cherche sa place dans le cercle social et ne la trouve pas car il ne répond pas aux conventions sociales. Comme le montre Mats Ek dans sa célèbre interprétation de “Giselle” : l’esprit libre, incontrôlable ( Giselle ) menace l’ordre social. Pour Mats Ek la conséquence de la ségrégation était la folie ; pour Théophile Gautier la conséquence était la mort. (Théophile Gautier écrit le libretto de “Giselle” en inspirant d’une poème de Heinrich Heine).

Les deux œuvres - romantiques et modernes - sont divisées en deux actes :
les premiers actes proposent une scénographie rurale et un vocabulaire chorégraphique venant de la danse folklorique. Les deuxièmes actes apportent un changement total. Dans l’oeuvre romantique le village devient une forêt et la danse folklorique est changée par la danse céleste des sylphides. La forêt de la période romantique symbolise le côté obscur et mystérieux de l’existence humaine. Dans l’oeuvre moderne de Mats Ek le deuxième acte a lieu dans une clinique psychiatrique et la danse folklorique est remplacée par une expressivité corporelle qui tente d’illustrer des situations et des actions de malades mentaux.

L’oeuvre de Yuval Pick pourrait être associée à “Giselle” par trois aspects : les conflits entre l’individu et l’ordre social ; la danse folklorique et la division en deux actes qui exposent deux réalités bien différentes.

A la base du langage chorégraphique de “Folks” on retrouve la danse folklorique avec ses pas corrélés, en se donnant la main, ainsi que le rythme et la répétition qui établissent la force du groupe. Les structures chorégraphique (la ligne et le cercle) unissent la tribu.
Les conflits entre l’individu et la société se traduisent par les tensions entre ces structures et leur rupture, leur déchirement par les individus ou une restriction de l’individu par le groupe. En sortant du groupe les individus offrent un laungage plus névrotique - secouer, sauter, trembler. L’unisson donne au groupe une force brutale et violente, la tentative de briser cet unisson restrictif les amène vers la folie.

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La division en deux actes est surprenante car elle n’est pas annoncée ni implicite. Le premier acte dévoile une réalité sombre, qui efface tout signe de couleurs, et la scène est encerclée d’un tissu noir. Le deuxième acte apporte un changement radical - le tissu noir disparaît et on découvre la scène entourée d’une végétation luxuriante et d’un éclairage qui reflètent les couleurs des costumes. Une forêt, un paradis… La musique complète la scénographie en changeant les rythmes électroniques par des sons ralentis et presque mélodiques. La forêt au clair de lune romantique se transforme en une sensualité primaire.

Dans les deux œuvres de Giselle le deuxième acte offre aussi un changement extrême du vocabulaire de mouvements.

Yuval Pick ne propose pas un renversement total du vocabulaire, mais sa transformation. Les mêmes éléments qui ont créé la force intransigeante du groupe se transforment en offrant la douceur et le soutien. Exemples :
Lorsque le premier acte les danseurs construisent des tours de soutien qui s’effondrent brutalement. Dans le deuxième acte, lorsque les danseurs sont jetés les uns contre les autres ils s’offrent un support, un mouvement qui contient et tient le corps de l’autre.

La ligne dans le premier acte est parfois cruelle en exigeant de l’individu de s’aligner ; dans le deuxième elle est modifiée et interrompue.
Le cercle qui a enfermé l’individu à l’intérieur au premier acte est, maintenant, plus souple et offre des ouvertures.
Les duos et trios du premier acte révèlent des relations bestiales contrôlées par le désir et des jeux de pouvoir. Les duos du deuxième acte composent un dialogue pas une bataille. Un dialogue féminin suivi d’un dialogue masculin.
L’accélération qui se produit à la fin de la pièce est un défi troublant : Est-ce le groupe qui donne lieu à l’interférence peut porter l’énergie à son maximum ? peuvent-ils être simultanément rejoints mais séparés ?

Dans la culture israélienne la notion du groupe est omniprésente. Dans une poème de Yair Stern (le leader du groupe Lehi) qui est devenue un symbole culturel, il est écrit : "Seulement la mort nous délibère de la ligne" - Yuval Pick dans son oeuvre “Folks” offre la vie comme un libérateur de ligne(s).

La couleur, la douceur et le soutien tordent la ligne, perforent le cercle permettant ainsi aux individus qui composent le groupe de vivre et d’y vivre.

Hey !



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