Le thé des écrivains. Chapitre XI. La guerre dans l'Art. Le thé des écrivains. Chapitre XI. La guerre dans l’Art.

samedi 21 novembre 2015 par Elisabeth

Quand il était sur le terrain, Raphael aspirait au repos. A présent, il ne pouvait s’abandonner à la douceur de vivre. Ses pensées se tournaient vers ceux qu’il avait abandonnés dans le chaos et l’incertitude du lendemain.
Elise et Charles se sentaient bien dépourvus. Peut-on vraiment poser le fardeau quand on a vu ce qu’on a vu ? Les images reviennent en boucle.
Il montrait des photos, il expliquait mais le plus douloureux restait au fond de sa mémoire.
Elise parvenait à saisir l’Angoisse primitive de l’Homme, celle que l’on retrouve dans la peinture. Dans la revue "reporter sans frontières", elle avait vu des horreurs de la guerre.
ça, elle ne pouvait pas le reprocher au XXIe siècle. La guerre avait toujours existé ; même dans la Bible, même dans le Coran. Si les armes étaient à présent perfectionnées, c’était suite à une longue évolution technique. On peut regretter que l’Homme ait mis son génie dans sa destruction. C’est tout.
Pour détendre l’atmosphère, ils regardèrent un soir les albums de photographies de famille. Alors que Raphael, bébé gazouillait dans ses langes, Maurice Druon écrivait dans une chronique : " prends garde Occident ! Sache bien que ce ne sont pas les pilotes à la petite semaine, ni les démagogues à vues courtes qui aient jamais sauvé la Paix". 1980, trois grandes disparitions : Jean Paul Sartre, Roland Barthes et Romain Garry. Le monde des intellectuels commençait à s’effilocher.
La guerre sur tous les fronts : Iran-Irak, Israel-Liban, les Malouines...
Etaient-ce toutes ces guerres - plus la guerre en Bosnie quand il était plus âgé - qui avaient joué un rôle dans les choix de Raphael ? Elise se posait la question en regardant les photos du bonheur de l’enfance.
L’idée d’écrire sur l’angoisse des peintres lui était peut-être venue de ses propres angoisses quand son fils partait pour des destinations de tous les dangers.
Donner toujours donner, Raphael recevait-il aussi ? avait-il des amours ? Des instants de bonheur ?
Olivier et Sophie étaient venus avec leurs conjoints pour le Week-end. C’étaient de bons moments de retrouvailles de souvenirs, de questions, de discussions, de rires aussi.
Bains quotidiens, quelques parties de pêche, une visite à la Sainte Victoire, une petite Cannebière avec les copains, le tour des laboratoires pharmaceutiques pour emporter des médicaments dignes de ce nom et c’est l’heure du départ.
Elise se replongea dans ses travaux d’écriture et de quête de soi.
Au XXe siècle, on n’était plus dans la dénonciation de la guerre mais au-delà. On ne peignait plus des exécutions de Résistants comme dans le " tres de mayo" de Goya, on peignait plus que le réalisme, le surréalisme, au-delà de la réalité.

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el tres de mayo. Goya

C’était la première guerre mondiale qui avait donné naissance à ce mouvement. Les horreurs de la guerre, plus effroyables qu’auparavant, avaient changé les mentalités des artistes. On voyait le temps et la mémoire se décomposer chez Dali, le monde réduit à des formes géométriques chez Braque et Picasso, des Phrases dissociées chez Aragon, l’écriture automatique de breton et Soupault...Une autre représentation du monde !

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les montres molles ou la persistance de la mémoire. Salvador Dali.
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Le részevoir. picasso.

La seconde guerre mondiale avait éparpillé les artistes. Un grand nombre avait fui l’Europe pour les Etats-Unis. A New-York, pas de cafés d’artistes. Un essoufflement des surréalistes, des jeunes peintres américains, sous influence européenne, des peintres venus des quatre coins de l’Europe pour fuir le nazisme...Ceux qui étaient restés en Europe peignaient dans la clandestinité avec les matériaux qu’ils trouvaient. La seconde guerre mondiale mit fin à l’Art Moderne.
Si tous ces mouvements d’idées exprimaient de la colère, ils étaient également le reflet d’une angoisse devant un monde qui se désagrégeait.

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Guernica. Picasso.


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