Le thé des écrivains. Chapitre XV. La guerre en Bosnie. Le thé des écrivains. Chapitre XV. La guerre en Bosnie.

mardi 17 novembre 2015 par Elisabeth

La guerre en Bosnie, une autre guerre de la honte. En 1991, on savait, à la différence de 1945. L’Europe occidentale ferma les yeux sur les charniers, les camps de concentration, les exécutions sans jugement, sans dignité, sur une boucherie. Elle s’était donné bonne conscience en envoyant les casques bleus.
Une guerre qui dura plus de dix ans dans l’indifférence des pays voisins et des grandes puissances, les mêmes qui avaient créé en 1918 un pays artificiel sur une poudrière : la Yougoslavie.
Elise avait traversé cette région plusieurs fois pour se rendre en Grèce.Elle trouvait les habitants agressifs quel que soit l’ancien royaume traversé. Elle comprenait leur mécontentement.Tous voulaient retourner à leur état primitif sans être soumis à l’Empire Ottoman ou à l’URSS. Cependant, le prestige de l’Empire Ottoman était supérieur à celui de l’union russe, on le voyait au raffinement des constructions. Il restait de beaux vestiges.. Chacun avait dû abandonner sa langue pour le serbo-croate. Ils constituaient un pays unique sans que chaque communauté ait été consultée. Ils arboraient des haines ancestrales et intestines, ils détestaient les pays occidentaux qui les avaient menés là. Ils étaient maintenus par la main de fer du dictateur Tito ; à sa mort tout s’effondra. Elle-même en crise, l’Union soviétique ne put rien faire pour arrêter le massacre et les responsables fermèrent les yeux.
Dans ce XXIe siècle de la destruction, Elise supportait difficilement qu’on pût aller en vacances sur ces lieux du crime. Elle trouvait qu’on commémorait des événements lointains sans survivants, comme le 11 novembre, car c’était une victoire. La guerre en Bosnie, on se dépêchait d’oublier qu’on avait laissé s’étriper des ethnies sous nos yeux sans bouger le moindre muscle. Les lieux du crime devenaient des lieux de villégiature.
Des artistes en parlaient, Arturo Perez-Reverte dans "le peintre des batailles", Danis Tanovic dans son film "No man’s land".....On ne voulait pas voir.
Le roman de Perez-Reverte, posait aussi la question de la photographie de guerre prise sur le vif et ses conséquences pour les sujets photographiés.
C’était dans ce cadre là que Christine avait perdu la vie. Pour elle, après la mort de Franck, cela n’avait pas d’importance mais pour Elise la douleur et le chagrin étaient immenses.
La Yougoslavie se démantelait à une échelle plus petite en parallèle avec l’effondrement de l’URSS, la pereztroïka de Gorbatchev. Le communisme déposa les armes et de nouveaux riches apparurent et avec eux un lot de corruption et d’injustices sociales.
Le Monde changeait pour ne pas dire qu’il régressait. Toutes les avancées sociales qui précédaient cette période reculaient.
C’est ainsi que les illusions d’Elise s’évanouirent. Ce n’était pas ce qu’elle avait pensé construire, alors elle se réfugia dans la peinture et la littérature, comme si elle se retirait du Monde, comme si elle entrait au couvent.
"Le couvent ? Non, c’est exagéré, pensa t-elle, je vis aux côtés de Charles, nous échangeons peu mais nous nous connaissons depuis si longtemps que nous nous comprenons sans parler. Et puis, il y a les enfants. L’avantage du XXIe siècle se porte sur les moyens de communication, le téléphone portable, internet..." Parfois, j’ai honte devant mes enfants, d’avoir été inscrite au PC, au PSU, au PS, d’avoir participé même si j’étais très jeune à la guerre d’Algérie et de les faire vivre dans un monde éclaté dominé par l’argent et l’individualisme ; où l’avoir prime sur l’être. Ce ne sont pas les valeurs que nous leur avons transmises et le décalage me gêne. Je vais partir en les laissant sur du sable mouvant.
Je ressens comme un vide de ne plus avoir d’idéal politique, j’en ai toujours eu un dès mon enfance Je pourrais me consoler en me répétant que s’ils sont tous les trois engagés, c’est grâce à notre éducation, mais je n’en suis pas certaine.
L’éclatement de la gauche est comme une fin en soi sans possibilité de recoller les morceaux. Il n’y a plus de grands intellectuels pour dynamiser les foules. Eux aussi sont dispersés, sans mouvement unitaire. C’est sûrement un indice. Nous vivons une seconde chute de l’Empire Romain.
Les Romains avaient-ils pressenti la chute de leur empire, comme il était possible de le faire actuellement ?



Imprimer