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Voyage autour de ma chambre. Voyage autour de ma chambre.

samedi 10 octobre 2015 par Elisabeth

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Après lecture d’un extrait de " Voyage autour de ma chambre" de Xavier de Maistre, nous devions, à notre tour effectuer un voyage autour de la nôtre, en transformant les objets qui s’y trouvent, afin que nos textes soient "une invitation au voyage".

Jacqueline

Voyage autour de ma chambre
J’ai attrapé le maximum, la perpétuité. Trente ans dont quinze incompressibles.
De retour dans ma cellule, je me sens soulagé. Un point d’arrêt. A présent, je sais. Je fais le calcul dans ma tête. Quinze ans, j’en ai déjà fait trois. Quinze moins trois égale douze. Je peux tabler sur une remise de trois ans pour bonne conduite. Douze moins trois, ça fait neuf. Quand j’en sortirai, j’aurai quarante-deux ans. La vie devant soi !
Neuf ans dans neuf mètres carrés. Un temps infiniment long dans un espace infiniment petit…Comment ne pas craquer ? Comment survivre dans ce huis-clos infernal avec moi-même ?
Un bruit de pas interrompt mon sinistre monologue. Ils résonnent dans le grand couloir vide, s’approchent de ma chambre puis s’éloignent. Quelle heure est-il ? Ce n’est pas encore l’heure du plateau-repas. Le silence retombe comme un couperet. Au loin, vers les bâtiments, je perçois la rumeur assourdie des détenus qui s’interpellent et font brailler leur musique. Ici, au Q.I (quartier d’isolement), c’est le silence qui est assourdissant.
Du regard, je fais le tour de ma cellule. Neuf mètres carrés. A gauche, le lit, à droite une table et une chaise. En face du lit, la télé. De l’autre côté de la table, le placard métallique. Juste à l’entrée, le coin toilette avec une douche. On est dans une prison moderne !
Les murs sont en béton. Impossible d’y accrocher quoique ce soit : une photo ou un poster. Lumière électrique toute la journée. L’unique fenêtre ne donne rien à voir, sinon un autre mur bétonné lui aussi et surmonté de grillages. A peine, si je peux entrevoir un tout petit coin de ciel.
Mes sens sont anesthésiés : plus de sons, plus de couleurs, plus d’odeurs. J’arpente mes neuf mètres carrés comme un lion en cage. Je n’ai pas l’âme d’un mystique encore moins celle d’un poète pour m’envoler par la prière ou l’imagination. Ma chambre est une cage, je suis un animal sauvage.
Je m’approche du miroir pour regarder mon reflet. J’y découvre un homme imberbe, rasé de près que je ne reconnais pas. Je regarde attentivement ce nouveau visage, celui du numéro d’écrou 2710B. Je scrute ses traits minutieusement. Je pose un doigt sur la glace pour en suivre les contours. Mais au lieu de glisser sur la surface lisse, mon doigt s’enfonce comme si c’était de l’eau. J’ai peur et le retire vivement mais au bout d’un moment, je n’y tiens plus et refais un essai. Cette fois-ci, c’est ma main qui est comme happée par le miroir et je sens que je pourrai m’y enfoncer tout entier. Pénétrer dans le miroir pour entrer dans l’autre monde…Voyager autour de ma chambre…J’entends à nouveau les pas du gardien se rapprocher avec le chariot des plateaux repas. Cette fois-ci, je n’hésite plus. Tel Orphée, je traverse la paroi !

Sabine

Il neige, il neige… Le bruit feutré des flocons m’apaise. Une douce torpeur m’enveloppe langoureusement. Etendue, je savoure la clarté que renvoie la blancheur de la neige jusqu’à l’éblouissement. Emmitouflée dans ma robe de chambre, je me lève et laisse glisser les pieds bien au chaud pour admirer au loin ces arbres qui se balancent en me narguant. Perdue dans mes pensées, je sursaute, je viens de me cogner contre une bûche. Je frissonne. Heureusement, les flammes d’un feu allumé à la hâte me rassure. Je me sens seule dans cette immensité. Le cri du coucou me surprend. Ce n’est pourtant pas la saison. Soudain, un homme mutilé d’une oreille me regarde un peu étonné. On dirait le tableau de Van GOGH. Ce personnage ne m’est pas inconnu. Je le salue. Plus loin, je rêve ? On dirait un « déjeuner sur l’herbe ». La neige ne les a pas rebutés. Je glisse toujours avec mes pieds bien au chaud dans mes pantoufles. Une forte odeur de roses me fait éternuer. Des roses de Noêl , sans doute. Envahie par un engourdissement voluptueux, je me fonds dans le fauteuil en cuir à côté de la cheminée. A peine si je discerne le son du téléphone posé sur le guéridon . Mon voyage s’estompe et mes paupières se ferment.

Elisabeth

Voyage autour de ma chambre
Mon lit ne ressemble ni au radeau de la Méduse, ni au bateau ivre de Rimbaud, il est douillet, il vogue tranquillement.
Sous la couette, je plonge dans les « National Geographic ». Je pars avec Marco Polo. Je quitte la sérénissime pour la route de la soie. Le chemin est aride et peu sécurisé, mais dans mon grand lit, confortablement installée, je ne crains rien. Une autre fois, je nage avec des poissons argentés ou je me rends en Chine, à Bali, au Pérou sans jamais quitter ma chambre.
Ici, je voyage dans le temps. Des photos des enfants et de mes petites-filles, accrochées ça et là dans des cadres ou posées sur l’iceberg-Ikéa, le long d’un livre. Ce sont de bons souvenirs mais ils me rappellent que le temps a passé et qu’il passe toujours trop rapidement.
Encore une escale, celle des mots. A cet endroit, le Gand Nord abrite toutes sortes de dictionnaires ; celui des mots rares et précieux, celui des mots perdus, celui de la langue romane, des rimes, de la rhétorique…De quoi y perdre son latin. On trouve le petit champollion pour déchiffrer les hiéroglyphes, des mots venus d’ailleurs…
On vire à bâbord. Le bureau est un véritable bric-à-brac de pots, de livres, de documents, de petits carnets, de photos, de cartes postales.
Nous revenons au port. Un arbre occupe une partie du hublot-fenêtre. Je regarde la couleur du ciel. S’il est bleu, je me lève. S’il est gris, je me prélasse encore un peu. Un petit cabotage, celui du roman qui m’attend.

Marie Noelle

Si vous me demandez comment je vais en ce début du mois de Décembre, je vous répondrai que oui, bien sûr, je m’adapterai au brouillard, au ciel bas, à l’humidité, au jardin qui se dénude. Mais, en réalité, il me sera bien difficile à vivre à l’intérieur. Je devrai renoncer à flâner sous les arbres, sur l’herbe, au gré du soleil, du vent et de mes envies.
Je me prépare donc à l’hiver et j’observe cette pièce à vivre où tout est confortable, fonctionnel, arrangé selon mon goût. Ce sera ma prison dorée jusqu’au printemps. Je naviguerai entre la cheminée flamboyante, les écrans qui me donnent des nouvelles du monde, la cuisine pour toutes les gourmandises, la table où se réuniront les hôtes de passage. Cocon idéal peuplé de souvenirs d’escapades : les marionnettes balinaises, songeuses et fières, la tortue et le totem mélanésiens, le visage mélancolique d’Antinoüs, le tambourin de Naples, le tapis de Ghardaïa, les poupées indiennes. Le monde entier est chez moi. Et sur l’étagère, l’Egypte, la Grèce, le Sahara dorment dans leurs livres lourds d’images et me font rêver.
Comme un navire immobile, mon « chez moi » franchit l’hiver. Je me recroqueville, me pelotonne, ronronne, résiste au froid et au vent. Par moments, je suis comme un papillon qui, dans sa chrysalide, se trouve à l’étroit.
Mais même en hiver, la vie sonnera à la porte. Les téléphones tinteront tous à la fois, les mels foisonneront, les casseroles frigousseront , et les bouchons sauteront.
Et un jour l’espace clos se fendillera. Je me dirai, surprise : « Tiens, et si aujourd’hui je mangeais dehors ».
Fin du voyage hivernal.

Mary

Récit de voyage
Voyage autour de ma chambre en utilisant les objets pour voyager.
Recluse, à l’abri des regards et hermétique aux conversations et aux bruits familiers qui s’envolent du rez de chaussée où la vie s’ébat, je me replie dans cette chambre que je ne partage que le soir. Le jour, c’est mon refuge, mon antre, mon cabinet de confidences et de rêveries, les yeux grand ouverts.
Deux fenêtres laissent entrer le soleil généreusement ; les persiennes en tamisent l’ardeur. Grains de poussière dans un rayon de lumière oblique, poésie du discontinu que l’éclairage de l’entendement met à jour, vérité du mobile et du minuscule.
Une bergère, adossée à la fenêtre, collée au radiateur, où se lover le temps d’un repos. Un lit rebondi en arc de cercle flanqué de deux tables de nuit qui, à elles seules, recèlent des trésors dont je donnerai la clef plus tard. Une armoire au fronton adouci par une frise florale. Je les revois dans la chambre de ma grand-mère au carrelage en damiers noirs et blancs, si froids que l’on courrait dessus pour se réfugier sous l’édredon moelleux. Eux n’ont pas pris de rides, le temps les a patinés ; la clef d’un tiroir s’est égarée. Que de soupirs, de rires, de larmes et de cris parfois ont-ils été les témoins muets !
Un valet, caché entre l’armoire et la fenêtre croule sous un tas de pantalons, de chemises et de ceintures oubliés et qu’une vague déferlante balaie de temps en temps et envoie au grand bain.
Sur un pan de mur, un tableau d’une peintre amie : cinq ânes en enfilade le long d’une barrière, broutant au bas d’un clos à l’herbe grasse. Dans ce tableau je vois notre petite famille réunie, je reconnais dans chacun de ces ânes les caractéristiques de chacun de nous, je peux les nommer, dresser leur portrait.
Dans un recoin, un sas conduit à la pièce d’eau, un miroir, au dessous deux étagères où je me déleste de mes bijoux le soir venu. Une bimboleterie colorée encadre le miroir, en attente du moment propice pour être choisie. Chaque collier, chaque paire de boucles d’oreilles raisonne à mon souvenir, associé à un événement, un cadeau, un voyage.
Un chapeau de paille de riz rapporté d’Indonésie et une représentation de la déesse Sarasvati qu’un artisan avait gravée devant moi sur des lamelles de bambou fendues assemblées artistiquement.
Mais revenons à ma table de nuit et ses trésors oubliés. Quelques livres de chevets, parmi eux, ceux qui m’inspirent que je relis par bribes et qui me collent à l’âme et, au sommet de la pile, les livres en cours de lecture, pluriels pour répondre au besoin et à l’envie du moment. Mes carnets de notes intimes aux dos noirs et anonymes sont tapis au fond de l’étagère, à l’abri des regards indiscrets. Dans le tiroir, , des rubans, un joli bouton, des marque pages, une lampe de lecture, mes grigris : le bracelet de naissance de Cécile, une montre arrêtée, un compliment écrit par ma fille ainée, des œuvres enfantines, chefs d’œuvre de fêtes des mères.
Ma chambre.

Myriam

Voyage autour de ma chambre

Il m’arrive souvent de me réveiller aux petites heures de la nuit, c’est alors que j’apprécie d’habiter au cœur d’une ville, entourée d’autres humains qui dorment ou qui veillent comme moi Je me lève et je vais regarder à l’Ouest par la baie qui donne sur un jardin public et des immeubles dont les plans étagés forment comme un paysage en terre cuite. Il y a toujours quelques fenêtres éclairées, est-ce celle d’un couche tard ? La cantatrice dont j’entends les vocalises le matin, prend-t-elle un dernier verre après son spectacle ? Ou d’un lève-tôt ? Le voisin qui fait les trois-huit se prépare-t-il à rejoindre son poste ? Une voiture passe, je ne suis pas seule au monde.
A l’opposé les fenêtres donnent sur le Rhône et les immeubles s’étendant à perte de vue, dominés par quelques tours. Soudain les nuages découvrent une lune écornée, et sa lumière froide vient transformer le paysage urbain. Cette coulée de Mercure, le Rhône ? Ces façades blêmes, un décor de film d’épouvante ? Plus aucun véhicule dans les rues désertes...à cette heure d’avant l’aube, suis-je la dernière survivante d’un monde irradié ?


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