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atelier d'écriture du 14 janvier. atelier d’écriture du 14 janvier.

mardi 30 janvier 2018 par Elisabeth

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Lecture de " Lectures de Proust" de Raphael Enthoven.
"On revient au fait que la fin du livre est son propre commencement. Rappelons qu’à la recherche du temps perdu est l’histoire d’un homme qui découvre qu’il est écrivain...
Le livre commence ou presque avec un petit garçon qui attend le baiser de maman et se termine sur la découverte de l’art, en l’occurrence, la littérature, est seul capable de justifier l’existence sans entreprendre de lui donner le sens qu’elle n’a pas....
L’écrivain de chair laisse l’écrivain de papier se substituer à lui, le narrateur devenant écrivain. Comment cela se produit-il ? Grâce aux expérience de résurrection du passé...
Ce n’est pas l’intelligence qui prime mais la sensation, la sensorialité. Et d’abord ces expériences comme celle de la petite madeleine."
Ecrire est-il un acte de vie ? Est-ce un problème de solitude ou d’échange ? Est-ce une douleur ? Une angoisse ? Un accouchement ?

Marie Noëlle
Les deux cercles
Imaginez deux cercles tels des ensembles mathématiques qui se super posent, se côtoient, se frôlent, s’ignorent, ont des intersections, s’éloignent l’un de l’autre. L’un est immense, inconnu, plein de mystères, se coutumes ignorées, d’usages incompréhensibles, peuplé d’un passé douloureux trop récent, c’est le cercle de la société algérienne. L’autre cercle, c’est le microcosme de notre communauté de coopérants, personnalités marquantes, proches de moi, même formation, même curiosité de l’étranger, même vivacité et impatience.
Je flotte, attiré par le grand cercle qui m’entoure, avide de le connaître, d’y être acceptée. Mais il m’échappe, l’écart est trop grand. Comment partager l’angoisse de cette jeune fille de quinze ans, le soir de ses noces, avec un mari qu’elle n’a pas choisi ? C’est un gouffre entre elle et moi.
Je flotte, je cherche ma place dans le petit cercle. L’émulation est forte, les caractères bien trempés. Je me sens perdue dans ce foisonnement, ce mouvement perpétuel. Je n’ose ni m’affirmer, ni contredire, ni m’imposer, ni non plus accepter mes carences. La solitude, la contemplation, le retrait sont des refuges impossibles dans cet habitat quadrillé, surveillé, dans cette frénésie d’échanges, de voyages, de découvertes où il faut suivre le rythme. Désarroi. Révolte.
Les décennies ont passé. Maintenant, telle une jongleuse, je joue un peu plus calmement avec mes cercles. Je tourne avec eux, les explore à ma guise, les laisse parfois s’emballer tout seuls pour mieux m’isoler et me ressourcer.
Le cercle de l’écriture a englobé en son sein les cercles du passé. Le passé revigoré, apaisé, charmant, réécrit.

Marie
Comment ou quand vous êtes vous senti écrivain, et est ce qu’on raconte un événement passé parce qu’il a un lien avec le présent (superpositions des sensations, des événements)

Pour moi, l’écriture d’événements passés est nécessaire pour éclairer le présent. Se remémorer précisément des faits, les replacer dans une chronologie, une époque, une temporalité et retrouver les émotions passées permet ensuite de passer à l’écriture d’une fiction empreinte de vérités. Le fait d’écrire au présent favorise ces réminiscences du passé. La pensée court, galope, s’exerce au travail de mémoire. Ressentir les odeurs, les perceptions sensorielles vécues relève parfois de l’imaginaire, et sont transcrites sur le papier par transfert, ces sensations peuvent être fantasmées. Les mots que l’on couche sur la page sont écrits dans l’instant, à partir de ce qui est présent au moment où il écrit. Est-ce à dire qu’ils ne relèvent pas d’une vérité avérée mais d’une vérité temporelle, de la fiction peut-être ? Difficile à exprimer cette distance qui se passe au moment de l’acte d’écriture entre ce qui fut et ce que l’écrivain perçoit de ce qui fut. A l’écrire en cet instant, je sens une certaine confusion que je n’arrive pas à dissiper.
Passer de la pensée, de la narration intérieure à l’écriture. Par le corps, la main, le bras, la respiration. Naviguer entre la pensée qui a le souci de relater au plus près la vérité du passé et l’empreinte du présent qui transforme cette pensée. J’ai très souvent la sensation de ne pas arriver à transcrire justement les sensations, les émotions ; les mots me manquent, le vocabulaire est pauvre, la pensée me trompe parfois. Peut-être est-ce cela le travail d’écriture. Ajuster en permanence sa posture, être fidèle pour ne pas trahir le passé.
Alors en quoi l’écriture du passé m’est-elle nécessaire pour éclairer le présent ? Pour me retrouver, pour me pardonner d’être ce que je suis, pour me réparer d’un passé douloureux, pour le comprendre autrement, pour le mettre à distance, pour le déposer, pour vivre au présent simplement, plus légèrement.
Je ne crois pas avoir encore atteint le stade de l’écrivain de papier, je ne l’ai pas encore débusqué car je ne me suis pas encore effacée derrière l’écrivain de chair que je suis.

Marie France
Il m’arrive d’écrire, de mettre des mots sur un évènement parce qu’il apparait avec un relief, une couleur,un intérêt hors de la vie ordinaire. L’appréciation de cet évènement se traduit alors par une conscience plus aiguisée de mon corps, de son état de tension ou de détente, de ses sensations, de ses émotions. Un moment du présent s’est mis en lumière, est vécu avec une conscience différente. Le motif de l’écriture est alors cette envie de retenir ce présent qui va très vite devenir passé, envie d’éternité peut-être, envie d’échapper à la mort. Les écrivains, les vrais, à travers leurs différents personnages, ne seraient-ils pas traversés par cette même envie, sinon d’immortalité, au moins de vies multiples vécues par l’écriture.

Elisabeth
J’aurais voulu inventer, recréer un monde qui n’existe pas. Il ressemblerait à la réalité mais ce serait un monde factice. J’y suis parvenue dans "la reine blanche". Je ne connais personne qui ait vécu cette mésaventure.
J’ai écrit mon premier roman à l’âge de douze ans. Je me suis inspirée de ce que je vivais, c’est à dire, une bande d’adolescents qui écoutent Elvis Presley, Paul Anka, les platters, Fats Domino...La guerre éclate et sépare tous ces jeunes gens. Pure fiction. La guerre venait de se terminer.
Le personnage principal est un moi idéalisé, un moi rêvé, ce que j’aurais voulu être et que je n’étais pas encore. Suis-je devenue la Minouche de mes douze ans ?
Peu de temps après, vers treize, quatorze ans, j’ai écrit une Nouvelle longue qui se déroule en Russie où je n’ai jamais mis les pieds. Dans mon souvenir, c’était même la Russie tsariste. Aujourd’hui, je me pose des questions d’ordre psychanalytique. C’était l’histoire d’une jeune aristocrate dont le père était en train de mourir. Je venais à peine de rencontrer le mien.
Après une période de poèmes en vers et en prose, j’ai toujours écrit autour de la vraie vie. Des souvenirs d’enfance, des journaux intimes, des sensations, des rencontres, des paysages qui m’avaient émue.
Je me sens une autre devant la page blanche. Souvent, ce sont les mots qui me guident. Quand je relis, je me rends compte qu’ils ne sont pas anodins, ils sont tous une répercussion de mon passé. Chacun fait naitre des images connues, des sensations éprouvées. J’aime cela dans l’écriture, vivre une émotion avec le souvenir d’une sensation connue.

Après le banquet, comme dans "Astérix", j’ai lu l’incipit de "si par une nuit d’hiver un voyageur" d’Italo Calvino.
Dans ce roman, le livre, la fiction qu’il raconte, le cadre d’une librairie de gare, les lecteurs, tout s’imbrique.
Il est donc demandé un récit analogue.

Marie Noëlle
L’éruption du volcan islandais les a immobilisées à Alger. Elles reviennent d’un périple à Djanet, dans le Tassili, dans cette Algérie qu’elles ont quittée trente ans auparavant. Emmanuelle et Nadia ont enfin trouvé un vol de retour. Elles n’ont plus qu’à attendre. Assises par terre dans l’aéroport Houari Boumédiène, elles tuent le temps en feuilletant les pages écrites par leur mère. Elles souhaitaient lire ensemble cet embryon de livre de souvenirs sur les années 1970.
« Un peu rasoir, par moments, toujours les mêmes anecdotes ! », plaisantent-elles pour cacher leur émotion.
A côté d’elles vient s’asseoir une jeune fille de vingt ans. Algérienne, française ? Le doute est permis.
Elle lorgne sur le manuscrit intitulé « Indépendances ». Et toutes trois se prennent à parcourir avidement les chapitres.
-  Emmanuelle, dix huit mois en 70, c’est toi ? Et ta mère vingt trois ans ?
-  Oui, c’est ça.
-  Mon père à cette époque, il avait douze ans, reprend Alice. Fils de harki, il vivait dans un camp de regroupement, en Provence. Je veux briser le silence, écrire sur ma famille, c’est pour ça que je suis venue ici.
Au fil des pages, une voix murmure en arrière fond et tente de se faire entendre. L’Algérie semble vouloir leur parler à toutes les trois. Elle leur dit :
J’ai rêvé de socialisme qui gommerait les inégalités, j’ai rêvé de femmes libres, cultivées, respectées, j’ai rêvé de prospérité, de paix, d’honnêteté.
Alice pleure sur le gâchis, sur la corruption, sur sa famille stigmatisée, sur l’exil et les vies brisées.
L’Algérie reprend
Je rêve de livres qui déclouent les lèvres
Je rêve de ton récit, Alice alias Naïma
Je rêve de Kamel Daoud, de ses chroniques.
Je rêve

Marie
A partir du livre d’Italo Calvino "Si par une nuit d’hiver un voyageur".
Le roman devient le héros du roman. Italo Calvino : l’inventeur de l’endoscope romanesque
Créer une confusion un narrateur et parfois il faut avoir le doute de qui raconte. Le narrateur doit se fondre dans le livre.
Il faut qu’il y ait une superposition, une empathie entre le narrateur et son personnage.
L’intérêt : peut-on avoir un autre regard sur ce que l’on a écrit. Objectiver, prendre du recul, de la distance avec un personnage créé ou dont on raconte l’histoire.

Que n’ai-je tant vécu, tant entendu au cours de ma longue existence, je suis à l’automne de ma vie et il me revient, à t’écouter raconter l’histoire de ta grand-mère et de tes vacances auprès d’elle, quelques souvenirs étouffés dans l’épaisseur de mes murs. Je me souviens très précisément de toi à l’époque, tu amenais par la fraîcheur de ton jeune âge, de la lumière et de la gaité dans mon quotidien austère et froid. Je te dois quelques précisions sur la raison de cette apparente austérité. Pour ta compréhension, je vais remonter le temps avant ta naissance, à l’arrivée de tes arrières grands-parents qui firent mon acquisition au début du siècle dernier, juste avant la grande guerre. Comme ils étaient fiers de pouvoir s’offrir une bâtisse comme moi, il faut dire qu’à cette époque, mes pierres étaient plus dorées qu’à ce jour, les volets ne souffraient pas de rhumatismes aux articulations, mes fenêtres étaient souples et silencieuses, mon escalier élancé était lisse et sans accroc dans la pierre. La glycine qui en ornerait la rambarde viendrait plus tard, c’est à ton arrière grand-mère que je la dois, elle en aimait le parfum au printemps : elle était impatiente de la voir arborer d’opulentes et lourdes grappes violettes qui donnèrent, il est vrai, une toute autre allure à mon escalier, en escamotant un peu trop à mon goût, les volutes élégantes que le ferronnier avait artistiquement forgées. Ton aïeule m’a fait forte impression, son mari était quelque peu effacé, de plus petite taille qu’elle, elle montrait une assurance naturelle malgré son jeune âge et ses origines plus modestes que les siennes, d’après le notaire qui a procédé à ma vente. Elle était née dans un petit village de l’Allier et je me suis laissé dire qu’elle était issue d’une famille paysanne, la troisième d’une fratrie de sept enfants. L’homme, son époux en l’occurrence, la trentaine était un représentant de commerce en café, vins et épicerie fine. Il ne tenait boutique, il était grossiste auprès des restaurateurs et autres débits de boissons ou porte pots de liqueurs, cafés, cacao, épices et autres matières premières propres à la restauration. Cela l’amenait à se déplacer dans un périmètre couvrant plusieurs départements autour de Lyon. Son épouse tenait la maison et élevait auprès d’elle sa petite fille Yvonne, une douce enfant sage et docile. Une bonne à tout faire entra au service du couple pour le ménage, la cuisine et la lingerie de ces dames coquettes il est vrai. Ils s’adjoignirent les services d’un jardinier occasionnel pour l’entretien de mon jardin, arboré d’un grand cèdre planté par les propriétaires précédents. J’ai peu de mémoire de ces derniers car j’étais trop jeune et trop occupée à parfaire l’édification et la décoration de mon intérieur.
Mes plus beaux souvenirs remontent à cette époque. Je fus parée de meubles raffinés, de tentures, de miroirs et de tableaux, les armoires étaient garnies de services de table en porcelaines de Limoges, d’argenterie et de verreries de cristal de belles factures. Des cadeaux de mariage pour la plupart. Monsieur était issu d’une famille de riches commerçants de Cusset, ville d’eaux qui fut supplantées un peu plus tard par sa voisine, Vichy. Mes jeunes propriétaires recevaient de la visite parfois, de leur oncle notamment, le premier garagiste implanté à Cusset ; il vendit d’ailleurs sa première voiture, une Ford à ton grand-père qui facilita grandement par la suite ses nombreux déplacements. Le ménage semblait heureux, l’homme était de santé fragile, il souffrait d’un diabète. Malgré leur souhait, ils n’eurent qu’un seul enfant Yvonne, qu’ils couvaient de toutes les attentions. J’ai eu une affection particulière pour Yvonne qui perdura tout au long de notre existence. Nous nous sommes attachées l’une à l’autre. Enfant solitaire, elle furetait dans chacun de mes recoins ; elle s’inventait des histoires, un peu comme tu le faisais d’ailleurs quand tu venais passer des vacances auprès d’elle …

Marie France
On l’entend de loin. On s’en approche à l’oreille. La tronçonneuse ronfle, gémit, , murmure, puis repart, comme en colère. Malgré l’air vif,il est en chemise au bord de la clairière. Un bidon d’essence, une hâche. Un bidon d’esssence, une hâche, une élagueuse sont posés près d’une souche. Plusieurs arbres sont déjà à terre. Chemise à carreaux, pantalon de grosse toile, chaussures de sécurité, il est concentré sur son travail. Il jauge l’arbre, choisit son angle d’attaque, engage la troçonneuse dans le bois. Elle s’enfonce comme dans du beurre. Il s’arrête un instant, lève la tête pour vérifier si son calcul est juste et reprend son travail de coupe. Le bruit devient assourdissant. L’homme travaille sans casque. Il est imprudent. La cime de l’arbre s’incline doucement,semble s’arrêter, comme suspendue, puis s’écrase au sol dans un fracas de branches cassées. Je ressens comme une vibration dans le corps et un souffle au visage. L’homme regarde le géant vert à ses pieds puis lève la tête. Un casque ? Pourquoi faire ? Sans casque, je sais si ma machine tourne au bon régime, je profite pleinement du moment où l’arbre tombe. J’adore ça, ce bruit de chute. Est ce que je m’inquiète, Monsieur l’écrivain, de l’endroit où vous avez mis la virgule, le point ? De savoir si la description de mon travail est juste ? De me demander si vous vous avez observé des bûcherons ou si vous avez pris vos sources sur internet ? De vous conseiller d’écrire au crayon plutôt qu’au stylo ? A chacun son boulot.
Oh oh, c’est qu’il s’énerve l’homme des bois. Il est tout rouge et me regarde d’un air furieux. Costaud comme il est je ferais bien de garder mes distances. Et puis, s’il reprend son travail sans faire plus d’histoires, je pourrais bien lui acheter deux ou trois stères à un bon prix.
L’homme à la chemise à carreaux marche jusqu’au pied d’un nouvel arbre, le jauge, choisit son angle d’attaque. La tronçonneuse entre dans le bois comme dans du beurre.

Elisabeth
C’était un après-midi d’août. Pleuvait-il ? Faisait-il beau ? A Paris, on ne sait jamais tant l’air est irrespirable. Il faisait doux et une promenade sur les quais des bouquinistes me semblait agréable. Des boites posées sur la balustrade remplies de cartes postales. Que de traversées évoquées ! Que de souvenirs oubliés à présent, jetés là, aux regards de tous, sans pudeur ! Des morceaux de vie, des voyages, des rêves, échoués sur un quai de Seine.
Soudain, je m’étonne de trouver en face du Louvre une reproduction si petite du radeau de la Méduse. La toile m’a toujours impressionnée. Sept mètres de haut ! On se retrouve au milieu de l’océan. L’angoisse me prend. Le bateau auquel ce grand Noir fait signe me parait être à des lieues ou des miles. Nous ne devons représenter qu’un point incertain à son horizon.
Chacun se méfie de l’autre. Ne dit-on pas que l’homme est un loup pour l’homme ? La mer se déchaine. Le bateau se rapproche, nous allons sans doute être sauvés.
Le soleil s’est couché. Je demande l’heure. J’ai quitté les bords de Seine depuis deux heures pour arriver sur l’atlantique.
Le gardien du musée me tape sur l’épaule et m’indique la sortie.


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